Retour sur le 41ème Petit-Déjeuner du Commerce 4.0 de la Chaire ESCP BearingPoint Retailing 4.0

A l'occasion de ce 41ème Petit-Déjeuner du Commerce 4.0, nos experts ont discuté des enjeux marketing, environnementaux et technologiques associés au re-commerce : les motivations
& freins des consommateurs, l’intégration de la seconde main dans le cycle de vie du produit, l’authentification, le contrôle qualité, la réparation et la restauration des produits,
les flux logistiques, les transferts de propriété…
Un éclairage académique sur le re-commerce a été proposé par Julien Schmitt, Professeur en Sustainability et Marketing à ESCP Business School. s’est est suivie la présentation de deux solutions innovantes permettant aux marques de reprendre le contrôle sur le marché de la seconde main : Bruno Vanhove, Directeur Commercial chez Disruptual @La seconde Vie des Produits et Didier Mattalia, Co-founder & General Manager chez Trust-Place @Allowing
Brands to Digitally enhance Trust, Passion & Transparency. Enfin, Marion Revol, consultante chez BearingPoint a pu apporter son regard expert dans le domaine du re-commerce.

Comprendre l’essor du re-commerce

Le Professeur Julien Schmitt définit le re-commerce comme « l’acte de remettre dans le commerce un produit déjà utilisé par le consommateur » qu’il soit vendu dans son état d’occasion, ou reconditionné. La transaction se réalise soit de gré à gré entre deux consom-mateurs (C to C), directement (vide-greniers), ou sur une plateforme comme Le Bon Coin, soit via un distributeur physique ou digital (C to B to C) tel qu’Emmaüs, Back Market ou Vinted.

Un phénomène ancien, accélérée par la pandémie

Le Professeur Julien Schmitt rappelle le caractère ancien du re-commerce. Acheter un télé-phone reconditionné sur Back Market perpétue une tradition ancestrale d’achats d’occasion à l’instar des « vide-greniers » ou des achats de livres d’occasion chez Gibert Jeune. Le professeur Olivier Badot appelle, ainsi, à la prudence dans l’analyse du re-commerce, invitant à différencier effet de cohorte, à savoir l’attrait des populations jeunes pour le prix abordable, et tendance de fond. En effet, 37% des GenZ ont acheté un vêtement d’occasion en 2019, contre seulement 19% des boomers.
La crise Covid a favorisé l’accélération du re-commerce. A titre d’exemple, en 2020, le mar-ché Français du smartphone reconditionné a cru de 25% en 1 an, s’élevant à 700M€ ). Par ailleurs, les achats en ligne ont augmenté de plus de 8.5% en 2020, pour un chiffre d’affaires total de 112,2MM€ (Etude FEVAD, 2021). Cette forte croissance combinée à un pouvoir d’achat en berne a mis en lumière les plateformes digitales des produits d’occasion ou reconditionnés, comme Vinted ou Back Market et accéléré le lancement d’offres de « seconde main » chez des dis-tributeurs historiques, comme Ikea, Carrefour ou Décathlon.

Re-commerce : enjeux marketing, environnementaux et technologiques

Comprendre la consommation du re-commerce ?

Les motivations du re-commerce sont, d’abord, économiques, avec des prix inférieurs à ceux pratiqués pour les produits neufs et un risque financier réduit si le produit ne plait pas. En outre, le re-commerce, participe à la construction de l’image de soi. Il donne accès à des produits que le consommateur n’aurait pas pu acquérir à l’état neuf, encourage la satisfac-tion personnelle de la « bonne affaire » et apporte une connexion symbolique avec les con-sommateurs précédents. Enfin, une dimension idéologique se dessine autour d’un acte mili-tant de « sortie du système ».
Les freins au re-commerce sont liés au produit : (i) l’absence d’information sur l’hygiène de son précédent propriétaire et utilisateur, (ii) la confiance sur sa provenance, (iii) la qualité de sa réparation et (iv) son obsolescence technique ou sociale.


Intégrer le re-commerce dans la stratégie marketing des marques

Le re-commerce amène les marques à coordonner leurs offres « neuf » et « seconde main ».D’abord, elles adaptent leurs modèles de prévision de vente, le rythme de lancement de nouveaux produits et leurs approches de fidélisation des clients.
Ensuite, la stratégie de branding prend désormais en compte la coexistence d’une offre neuve et reconditionnée qui impacte conjointement l’image de la marque.
Enfin, le mix-marketing est repensé. L’offre « re-commerce » conditionne le prix ou la poli-tique promotionnelle du produit neuf, et doit être intégrée dans la communication de la marque.


Les grands enjeux du re-commerce

I.    Les enjeux environnementaux

Le re-commerce introduit une dynamique circulaire dans une économie linéaire où les ma-tières premières sont transformées en produits de consommation qui se trouvaient aupara-vant systématiquement détruits. L’objectif est donc de réinsérer des matériaux industriels et biologiques dans les processus de production et de consommation.
Cependant, il faut être en mesure d’en évaluer l’impact environnemental notamment celui de la provenance des produits recyclés ou de l’identité de son réparateur. De même, l’attractivité-prix du re-commerce peut encourager des phénomènes de surconsommation.

Re-commerce : enjeux marketing, environnementaux et technologiques


II.    Les enjeux logistiques


D’après Marion Revol, Consultante chez Bearing Point, lorsqu’il s’agit d’intégrer le re-commerce dans les flux logistiques d’une marque, il faut principalement modifier les flux entrants. La technologie apporte alors de nombreuses solutions. 

Re-commerce : enjeux marketing, environnementaux et technologiques
D’abord, l’acquisition du produit de « seconde main » appelle un modèle différent suivant les acteurs. Alors que les plateformes C to C comme Vinted jouent seulement un service de mise en relation, de nombreux distributeurs (Décathlon, H&M) rachètent les produits pour les revendre ensuite (trade-in program). 
Se pose par ailleurs la question de la mise en avant des produits de re-commerce en maga-sin. Certaines marques, comme les montres Richard Mills, vont jusqu’à offrir une expérience client similaire à celle d’un achat neuf.
En effet, la remise sur le marché du produit en requiert une identification précise que les technologies Code-Barre 1D/2D ou RFID facilitent. Cette authentification représente une étape cruciale du re-commerce, notamment pour les marques de luxe. Dès le stade de pro-duction du produit, la marque doit déterminer ses moyens technologiques d’authentification, comme des codes-barres ou une intégration dans la blockchain.
Le contrôle qualité du produit auquel certaines marques (e.g. Gucci) participent sert de base au calcul du prix de revente. Celui-ci est ensuite affiné en fonction du coût estimé de la li-vraison et celui du retour client. Ainsi, seuls 20% distributeurs maintiennent la gratuité pour la livraison de produit de « seconde main » et 60% des distributeurs maintiennent la gratui-té du retour pour le re-commerce.
Enfin le transfert de propriété peut être facilité par la remise d’un titre de propriété au client « seconde main » lors de son achat.

Etude de cas

I.    Disruptal : accompagner la transformation des entreprises vers le re-commerce

Disruptal offre une solution de marketplace en marque blanche aux enseignes et aux distri-buteurs qui souhaitent reprendre le contrôle sur la seconde main. Comme le rappelle Bruno Vanhove, Directeur Commercial chez Disruptual, de nombreuses marques et distributeurs n’avaient pas anticipé ce basculement de la consommation vers l’occasion.
Le re-commerce croit 20 fois plus vite que le commerce traditionnel, et 2/3 des consomma-teurs achetent et revendent des produits d’occasion. Ainsi l’offre de marketplace de re-commerce, initialement limitée au C to C, s’ouvre progressivement au B to C et au C to B to C (notamment, avec un service de remise en état). De même, si l’habillement reste la princi-pale catégorie concernée, l’offre s’étend désormais à la culture et au mobilier de la maison, au luxe.
Le re-commerce offre de nouvelles opportunités pour les marques. La vente d’occasion fa-vorise le recrutement de nouveaux clients, notamment à travers des corners dédiés à la « seconde main » dans les points de vente. Les programmes d’abondement s’élèvent parfois à 25% du prix de cession de l’article de « seconde main »; ils contribuent à la fidélisation des clients. Enfin, des informations sur les clients sont obtenues ou renouvelées.
Toutefois, les marques font face à de nouveaux défis :
(i)    Il est nécessaire de penser la complémentarité entre le canal digital et commerce phy-sique.
(ii)    La mise en valeur de l’offre de produit de second choix requiert un effort de merchandi-sing en magasin.
(iii)     Certains distributeurs envisagent même désormais de remplacer l’offre « 1er prix » par une offre « seconde main ».
Enfin, la construction d’une offre de « seconde main » s’inscrit dans la démarche stratégique d’une marque. Il faut donc intégrer tous les collaborateurs à cette nouvelle approche, re-penser les indicateurs de succès de l’entreprises, apprendre aux équipes magasin à vendre les produits « de seconde main ».


II.    TrustPlace : tracer la vie du produit pour garantir plus de confiance

Tracer la vie du produit après sa vente n’en est qu’à ses balbutiements.
Les marques font face à trois problèmes :
(i)    Elles connaissent peu leurs clients car plus de 50% d’entre eux achètent via leurs réseaux de distributeurs.
(ii)    Elles n’ont aucune visibilité sur les produits transitant en seconde main.
(iii)     Enfin, la contrefaçon croit 3 fois plus vite que le e-commerce et près de 40% des clients en ligne ont déjà acquis des produits contrefaits.
Dans ce contexte, Trustplace propose un passeport NFT hébergé et sécurisé dans la block-chain qui constitue un lien dynamique, physique et intemporel entre les marques et leurs consommateurs. Cette preuve de propriété digitale se transmet en toute confiance, proté-geant ainsi la valeur intrinsèque de chaque produit. 

Re-commerce : enjeux marketing, environnementaux et technologiques

La marque crée ce certificat digital de propriété, que le client ait acheté son produit dans un magasin de la marque ou via un distributeur. Le certificat contient 3 clés cryptés pour sécuri-ser l’authentification : un identifiant unique de l’article, l’identifiant du client, et le numéro de facture ou de bon de livraison. 

Ainsi cette solution digitale permet à une marque de prouver l’authenticité du produit et lutter contre la contrefaçon, connaitre et suivre tous ses clients de la marque et de reconsti-tuer l’histoire du produit depuis l’origine de ses composants jusqu’à l’identité de ses diffé-rents propriétaires.
 

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