Retour sur le 36ème Petit-Déjeuner du Commerce 4.0 de la Chaire ESCP BearingPoint Retailing 4.0
Le 14 mars 2020 à minuit, la France connaissait le premier confinement de son histoire. Un an après ce triste anniversaire, la Chaire propose un éclairage chiffré sur les impacts de la crise sur le secteur de la Distribution et les nouvelles tendances qui ont émergées. Après avoir identifié quelques hypothèses sur le secteur du « Retail dans le Monde d’après », le Professeur Olivier Badot, directeur scientifique de la Chaire, revient sur les défis à venir pour les acteurs du secteur.
Puis, en compagnie d’Elisabeth Denner, présidente de la Chaire, il interroge :
- Nicolas Houzé, Directeur Général de la branche Grands Magasins du Groupe Galeries Lafayette (Galeries Lafayette et BHV Marais)
- Eric Vandendriessche, CEO PP Yarns & Co (Marques Phildar et Pingouin)
- Thavy Khamtan, Global Alliances Director (Proximis)
Recensement des impacts de la crise Covid-19 sur les futurs comportements des acheteurs et sur l’évolution possible du secteur du commerce
Dans le cadre de la Chaire « Prospective du commerce dans la société 4.0 » soutenue par e groupe E. Leclerc puis la société BearingPoint, le Professeur Olivier Badot et le Docteur Christelle Fournel ont réalisé un travail de recherche exploratoire durant la crise du Covid-19.
A partir d’interviews d’experts, d’articles de presse et de contributions académiques, notamment tirées des recherches de la Chaire, a été menée une exploration des possibles impacts de la crise du Covid-19 sur les futurs comportements des acheteurs et sur l'évolution possible du secteur.
Un jeu d'hypothèses prospectives et l'identification d'enjeux d'importance pour les opérateurs du secteur en sont extraits. L’horizon temporel du cadrage théorique est post pandémique. Le premier confinement a permis de formuler les hypothèses présentées ci-après, hypothèses qui ont été étendues dans les moins qui suivirent.
H1 : recherche du réenchantement après le désenchantement
Selon cette hypothèse, après le confinement, les acheteurs souhaitent restaurer une certaine forme de plaisir hédonique lié à l’expérience d’achat, comme les activités sociales ou les sorties conviviales dont l’absence génère une frustration. Cette hypothèse est liée à la notion de fétichisation de la marchandise théorisée par Marx, c’est-à-dire que la marchandise et les objets de consommation produisent une forme de réenchantement qui se substitue à celui proposé par les grandes religions. Cette hypothèse répond également au courant postmoderne qui, dans la lignée de la pensée de Max Weber, envisage un recours systématique à ce réenchantement hédonique suite à des phases de désenchantement (politique, économique, social,…).
Les restaurants et bistrots, ainsi que les centres commerciaux et hypermarchés connaitraient alors une activité maximale dès que les mesures sanitaires le permettront. On a, par exemple, assisté à un regain des ventes de marchandises à caractère ludique, comme les SPA gonflables, juste après le confinement.
H2 : la rétractation sur les produits de première nécessité et les premiers prix
Cette hypothèse conduit à avancer la conjecture de Patrick Baudry. Les consommateurs achèteraient beaucoup moins de produits non alimentaires, au profit de produits de base, répondant aux niveaux les plus bas de la pyramide de Maslow. Pour 40% des français, le confinement aurait eu un impact sur leur consommation.
En effet, l’éventuelle reprise de l’activité du commerce et de la distribution dépend également de l’effet de la crise sanitaire sur le revenu disponible des ménages. Les foyers impactés négativement par la crise du Covid-19 correspondent également à la frange de la population habituée à l’hyperconsommation. De plus, certains Français restent exclus des possibilités offertes par le click-and-collect et la livraison à domicile et globalement du parcours client « phygital » (combinant le commerce physique et le commerce digital), par manque de moyens financiers, matériels, ou sim-plement cognitifs. Enfin, les défaillances d’entreprise ne sont pas encore toutes connues et nous ignorons dans quelle mesure le chômage remontera et dans quels délais. Cette pandémie ne ferait qu'amplifier la crise du secteur non alimentaire qui existe depuis un certain nombre d’années maintenant.
Toutefois, une grande question est liée à l’épargne : le consommateur va-t-il continuer à stocker de l’épargne ou l’injecter dans le réenchantement de la consommation ? Les produits non alimentaires vont-ils de ce fait regagner force et vigueur ?
H3 : une forte demande pour les circuits courts et des produits « bio »
Cette hypothèse met en avant le besoin de consommer mieux et différemment, avec les circuits courts par exemple.En période de confinement, les consommateurs ont modifié leurs habitudes de consommation et ont dû acheter plus près de chez eux. Peut-être un effet de cliquet en faveur des circuits courts et des produits du terroir se produira une fois la crise sanitaire atténuée. Cela viendrait rendre massivement manifeste un système utopique à très forte latence dans la société française : celui d'une vie plus proche de la nature, fondée sur des valeurs écologiques et recourant à une consommation responsable de produits plus « authentiques » (Badot et Moati, 2020).
Va-t-on assister à une reconfiguration du paysage commercial avec une longue traîne de canaux courts aux formats divers (camions livreurs, drives agricoles, etc.) ou va-t-on au contraire voir une intégration de ces circuits courts dans les grandes et moyennes surfaces ?
Depuis les années 1950, le consommateur est dans la logique du « One Stop Shopping » : il apprécie que l’on centralise tout pour lui afin de lui éviter d’aller d’un fournisseur à l’autre. Il a également besoin d’un assortiment, d'un approvisionnement régulier et homogène. Tout ceci constitue juste-ment le travail de la grande distribution, d’enseignes comme Carrefour ou E.Leclerc : organiser et massifier tous ses approvisionnements, y compris les circuits courts.
Cette augmentation des achats de produits « bio » reste arbitrée par deux éléments. D’une part, le consommateur doit prendre conscience du bénéfice lié à la consommation de ces produits en vertu du fait qu’ils apparaissent comme plus écologiques et responsables. D’autre part, leur consentement à payer s’avère souvent plus élevé dans les enquêtes déclaratives que dans les comportements d'achats réels. Seuls 41% des consommateurs sont en effet prêts à payer 5% plus cher.
H4 : la progression du e-commerce et du drive pour l'alimentaire
Enfin, le confinement a mis en exergue des divergences nettes dans la nature des circuits de distribution en fonction du type de produit acheté. Les produits de base et les achats usuels ont été achetés à travers le click-and-collect, le drive, la livraison à domicile, les superettes de proximité et les circuits courts. Les Français ont pris l’habitude de ces modes d’achat — notamment des processus digitaux et « phygitaux » — et pourraient garder cette habitude en période post-Covid-19 (H4).
Ce qui représenterait un véritable effet de cliquet car, avant le confinement, les achats d'épicerie en ligne ou au drive représentaient moins de 5% des ventes de produits de consommation. Les deux principales limites étaient la non-habitude d'achat de produits d'épicerie et d'hygiène beauté hors grandes et moyennes surfaces et le faible consentement à payer les coûts de livraison. Ceux-ci reflétant d'ailleurs des coûts internes de gestion de la chaîne d'approvisionnement très élevés du fait de la complexité de la fabrication des paniers et des charges logistiques, notamment pour les derniers kilomètres.
Par ailleurs, le confinement a fait prendre conscience d’une certaine forme de vacuité de l’hyperconsommation et a encouragé le retour de pratiques plus traditionnelle. Mais cette crise de la consommation doit être relativisée car il s’agit d’une attitude du consommateur qui ne se traduit pas en comportement probant. On constate que ces prospectus reçus dans les boites aux lettres sont bien responsables d’une augmentation du traffic en magasin. Pourtant, quand on interroge les consommateurs sur ces prospectus, beaucoup affirment que leur production est néfaste pour l’environnement, mettant en avant une forte conscience écologique. En même temps, ils sont ravis de les recevoir pour être informés des réductions du moment.
La croissance continue du e-commerce fut amplifiée par l’épisode de pandémie, à un niveau mondial. On peut également imaginer qu’un effet de cliquet perdurera. Toutefois les grandes et moyennes surfaces n’ont pas non plus faibli, elles ont même gagné des parts de marché.
En effet, le e-commerce a son plafond de verre : la supply chain et la logistique avec des probléma-tiques d’efficience et d’optimisation concernant notamment le coût du dernier kilomètre, et sous-tendu par l’effet de ciseau entre, d’une part, le coût de cette supply chain et d’autre part, le prix que le consommateur est prêt à payer pour cette livraison. Par ailleurs, les e-acheteurs français sont particulièrement peu satisfaits par la qualité des livraisons, ce qui est moins le cas dans les autres pays européens. Et quand les consommateurs anglais se positionnent de manière plutôt neutre, les Américains se montrent plutôt satisfaits sur le sujet.
H5 : le retour du « burrowing »
Le concept de « burrowing », théorisé dans les années 1990 par Faith Popcorn, est identifié dans les périodes de post-crise. Il reflète la tendance au repli sur le foyer et sur des activités domestiques, dans une optique de sauvegarde du pouvoir d’achat et de réhabilitation de valeurs pré-industrielles comme antidotes à la surconsommation.
Comme décrit par le Professeur Philippe Moati, de l’ObSoCo, le recentrage sur la vie de famille et le besoin de nature se dessinaient déjà comme un mouvement de fond avant le confinement, motivé par « consommer moins mais mieux », le « Do it Yourself ». De nouvelles populations résidant en province pourraient permettre d’entretenir les circuits courts et de réinstaurer une forme de mail-lage territorial.
Par ailleurs, l’obligation au confinement a fait émerger une envie de travailler autrement, grâce à l’instauration du télétravail comme pratique courante et la possibilité, de fait, de vivre à la campagne plutôt qu’en métropole. En outre, les problèmes d'approvisionnement en matériel sanitaire, tests et médicaments lors de la crise du Covid-19 ont fait prendre conscience de la nécessité de relocalisation des industries en France. Si les entreprises mettent à profit ce constat, les provinces pourraient voir se développer de nouvelles usines, régénérant une activité économique dans les campagnes et leur repeuplement.
Ce sujet est tout à fait corrélé à la problématique à la fois emblématique et mythologique de l’approvisionnement en masques, épiphénomène relatifs à la question du rapatriement de la production au niveau local.
H6 : le « sans contact » et le « sans effort »
Le paiement sans contact, qui existait déjà avant la crise Covid et répondait à un besoin de « sans effort », a trouvé tout son sens depuis cette pandémie, compte tenu des nécessités sanitaires et de distanciation sociale. Le « sans contact » pourrait également être alimenté par l’automatisation et la robotisation du commerce.
Là encore, alors que ces gestes-barrière trouveront moins de légitimité, on assistera probablement à un effet de cliquet avec l’explosion du paiement sans contact, du paiement en ligne et de la disparition des espèces.
H7: une gestion des assortiments simplifiée et une mutualisation des risques
Cette septième hypothèse a été avancée plus récemment et se réfère à la difficulté de gérer les stocks et d’accéder aux matières premières.
Cette hypothèse peut se décliner en deux sous-hypothèses, l’une présentant une simplification de l’assortiment en réponse à un recul de l’hyperconsommation, en particulier dans le secteur de l’habillement et de la fast fashion. Compte tenu de la fermeture des magasins à répétition, la seconde sous-hypothèse propose une mutualisation du risque avec une forme d’abonnement qui permette de générer de la trésorerie en amont.
Les grands distributeurs semblent s’intéresser à cette option.
Il ressort de ce travail de recherche que la crise du Covid-19 pourrait favoriser l’accélération de ten-dances préexistantes au sein de la population française, telles que le développement du « consom-mer moins mais mieux » ou la fluidification, la simplification du parcours « phygital » de l’acheteur et la forte croissance du commerce et du drive. On peut imaginer qu’il y aura un effet de cliquet concernant le e-commerce avec une accélération de la tendance.
Pour autant, le e-commerce a son propre plafond de verre et le commerce physique n’est pas si défaillant.
Un certain nombre d'effets de cliquet pourraient se produire comme l'augmentation des achats en ligne et en drive de produits de consommation courante et d'épicerie ou le recours aux circuits courts et locaux. Mais des enjeux importants de mise en œuvre viennent modérer ces possibles mutations du secteur.
Le secteur du commerce et de la distribution a donc plusieurs défis à relever :
(i) La crise Covid-19 va peut-être fragiliser des entreprises, plutôt les TPE, au profit des grands ac-teurs possédant des ressources financières plus solides.
(ii) Le développement du télétravail risque d'impacter le chiffre d'affaires des commerces de flux comme dans les gares, dont la valeur ajoutée réside dans la réduction de l’effort du client. Ce commerce dit « visqueux » déclinerait au profit d’un commerce plus local, on assisterait alors à une réorganisation de la géographie du commerce.
(iii) Emerge la question des approvisionnements réguliers et massifs par des producteurs locaux tout en protégeant les prix alors que la pandémie a mis à mal certains canaux d’approvisionnement.
(iv) L'efficience de la supply chain pour les produits de grande consommation, complexe à réguler, est remise en question.
(v) Le click-and-collect, notamment pour les magasins de proximité, s’est beaucoup développé afin de permettre à ces entreprises de faire perdurer leur activité durant le confinement. Sera-t-il pérenne, notamment en ce qui concerne les produits non alimentaires qui ne posent pas tout à fait les mêmes défis que les produits de grande consommation en termes de consentement à payer et de rentabilité économique.
(vi) La rétractation sur les produits fondamentaux, la recherche de sens, la recherche de consommation plus raisonnée et moins euphorique, moins systématique, s’ajoute à la pénétration du e-commerce non alimentaire comme défi pour les biens spécialisés.
(vii) Le prix des baux commerciaux, un sujet récurrent depuis des années, est revenu dans les préoccupations. Certains experts pensaient qu’ils allaient être renégociés suite au confinement et aux fermetures des petites entreprises et qu’un effet de cliquet s’en suivrait, avec une révision en profondeur des prix de l’immobilier.
Quand le commerce physique doit se réinventer à l’occasion de fermetures obligatoires
L’exemple qui est apporté ici est celui du Groupe des Galeries Lafayette, par Monsieur Nicolas Houzé, Directeur Général de la branche Grands Magasins du Groupe Galeries Lafayette. Aujourd’hui, après 125 ans d’existence, le groupe connait une crise sans précédent dans un contexte de disparition des flux touristiques internationaux et de bouleversement de l’écosystème parisien.
Le groupe des Galeries Lafayette regroupe 2 enseignes et 83 magasins en France et à l’international, principalement en Europe, au Moyen-orient et en Chine. Les Galeries Lafayette, via ses commerces physiques et son site de e-commerce, voient 150 millions de visiteurs par an. En 2019, l’entreprise réalisait un chiffre d’affaires record avec 2 milliards d’euros, avec une clientèle à plus de 60% étrangère.
Le télétravail a favorisé l’émergence du casual wear, une tenue plus informelle, avec pour consé-quence une évolution des catégories d’achats.
La crise Covid a aussi accéléré une tendance préexistante, dont la décroissance du prêt-à-porter spécifiquement dans les grands magasins. Entre 2007 et 2020, le groupe a perdu 30% d’activité suite à l’arrivée d’acteurs tels que Primark ou Vente Privée, de divers magasins physiques ou de chaines d’outlets. 2020 était une année de rupture, avec les « Gilets jaunes », les grèves et la réforme des retraites, et a succédé à 15 ans de consommation plutôt morose. Sur les quinze dernière années, l’entreprise a perdu 17 points de chiffre d’affaires sur le prêt-à-porter, suite à l’arrivée d’acteurs qui ont tiré les prix vers le bas. Ces derniers mois, de grandes enseignes de l’habillement ont été placées en liquidation financière. Des partenaires comme Le comptoir des cotonniers se sont trouvés en difficulté avec une perte de 20 à 50% de leur chiffre d’affaires, contraignant l’enseigne à retirer ses boutiques du groupe Galeries Lafayette. En France, le Printemps a annoncé la fermeture de 4 magasins en Allemagne et évoqué des difficultés pour les deux grands sites historiques.
D’autre part, le développement de l’offre d’occasion, dont les Français raffolent de plus en plus, a eu un impact très négatif, entre 15 et 25% du chiffre d’affaires, sur les marchés de la maroquinerie, des chaussures, de l’habillement ou de la beauté.
Le modèle des grands magasins apparait donc très chahuté, en France comme à l’étranger. Le grand magasin Neiman Marcus dans le centre de New York, ouvert depuis 130 ans, a laissé sa place à un immeuble Amazon de 7 étages. Debenhams, une chaîne de grands magasins anglaise, très performante notamment en digital et en cross canal, doit fermer les six étages de son magasin phare de Londres, à Oxford Street. De même, John Lewis ferme 8 magasins. Le modèle des grands magasins se trouvait chahuté avant 2020 et la crise Covid n’a fait qu’amplifier les choses. En 125 ans, jamais ces chaînes n’avaient connu une situation si compliquée.
Le groupe des Galeries Lafayette a revu son modèle d’affaires pour trouver des relais de développement et le moyen de faire revenir spontanément les clients en magasin. Les axes actuels de travail sont l’omnicanalité, l’expérience client et la Responsabilité Sociale Environnementale.
Pour favoriser l’omnicanalité, ils ont mis en place le click-and-collect, nouvelle plateforme de marques, et utilisent leurs grands magasins comme plateformes d’expédition. Le groupe réduit ainsi son empreinte carbone et utilise avantageusement le maillage territorial de ses 57 magasins pour en faire des centres d’expédition pour ses clients. Il développe le phygital en présentant sur Internet les produits manquant en rayon et en proposant un outil de chat pour permettre aux vendeurs de garder le contact avec le client dans le magasin des Champs-Elysées.
Concernant l’expérience client, il s’agit là de l’histoire des grands magasins, en faisant en sorte d’enchanter ou de réenchanter la visite de chaque client, des espaces dédiées au Digital Native Virtual Brands qui ont besoin d’aller à la rencontre du consommateur.
Depuis 18 mois, l’entreprise forme ses équipes à la relation client pour faire en sorte que le magasin physique continue à avoir une vocation. En parallèle, d’évènements spectaculaires, des vitrines incroyables sont en préparation afin d’attirer les clients.
Après une première phase de sidération, l’entreprise a pris la décision de fermer Galeries Lafayette Gourmet en hâte, puis de le réouvrir. L’établissement a ainsi évolué vers une activité hybride entre haut de gamme et restauration, notamment sur les marchés cœurs de la boulangerie-chocolaterie.
Certains clients ont ainsi redécouvert ce magasin Gourmet.
Au sujet de la RSE, une démarche nommée Go For Good a été initiée en 2018, en cohérence avec le rôle de faire-valoir de l’enseigne pour les marques représentées. Les magasins reçoivent un label, une gamme de produit labellisé est développée. Dans ce label figure la mesure de l’impact environ-nemental lié au transport des marchandises. En terme d’approvisionnement : le façonnement fran-çais est préféré au sourcing chinois, ce qui permet de faire des économies en carbone. Les camions fonctionnent au gaz naturel de ville en France et deviennent électriques sur la région parisienne. La RSE signifie aussi être un employeur social et solidaire. Malgré la crise, le groupe a continué à travailler avec les associations, à faire des opérations de don. Etre social et responsable, c’est aussi savoir mettre en place un PSE, notamment au niveau des activités de back office quand la situation le nécessite, c’est-à-dire pour préserver la compétitivité des entreprises, faire en sorte de continuer à exercer son métier du mieux possible.
Le marché de l’occasion, en pleine croissance, est aussi intégré à la démarche RSE à l’occasion de la reconfiguration des 2ème et 3ème étages, où le consommateur trouvera autant des fripes que des marques.
Quand le « burrowing » favorise à des secteurs en perte de vitesse
Le témoignage d’Eric Vandendriessche met en évidence une nouvelle tendance de consommation sur le marché du fil à tricoter. Après avoir connu des années de grande difficulté, des marques comme Phildar et Pingouin, rebondissent avec une augmentation du chiffre d’affaires de 7 points en 2020, un chiffre d’affaires en e-commerce multiplié par 3 ou 4 début avril 2020 et 17 000 nouveaux clients, dont 60% avaient moins de 45 ans, 30% avaient entre 25 et 34 ans et 30% étaient des hommes !
Lorsqu’Eric Vandendriessche s’est intéressé au rachat de ces marques, il a choisi de rencontrer les collaborateurs durant 2 mois. De cette étape, est née la stratégie présentée au groupe Mulliez. Le projet a séduit. Le cédant ayant d’autres priorités à l’époque, le repreneur a joui d’une grande liberté et sur une courte période, les résultats de l’entreprise se sont fortement améliorés.
Il faut dire aussi, que le tricot, symbole d’une « zen attitude » et du « Do it by yourself » revient à la mode. Antoine Griezman tricote avant les matchs. En Irlande, on tricote au bistrot.
Malgré une diversification des produits sur les années passées, Eric Vandendriessche a choisi de recentrer l’activité de ces marques sur leur coeur de métier, la marque Phildar bénéficiant de 75% de notoriété assistée, 45% de notoriété spontanée, et la marque Pingouin, de 45% de notoriété assistée, 10% de notoriété spontanée. Dans ce marché de niche pour consommateurs passionnés, il s’agissait de développer la trilogie produit-service-conseil tout en partageant les risques avec un réseau de distributeurs indépendants, eux-mêmes experts et excellents conseillers auprès de leurs clients. Il s’agissait aussi de penser comme un leader : développer le marché plutôt que sa part de marché. Des Wool Schools, cours gratuits pour apprendre à tricoter, ont été créés.
Par ailleurs, il a semblé important de créer un écosytème économiquement rentable. Pour cela, seulement 15 magasins (8 succursales et 7 affiliés) furent repris sur la centaine existante. Au total, 90 collaborateurs furent conservés sur 220. Selon Eric Vandendriessche, ces choix ont permis d’envisager l’avenir. Après 5 mois de reprise, l’entreprise a déménagé sur Roubaix et est redevenue une startup avec une notoriété forte. Aujourd’hui, 50% des ventes, soit environ 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, se font sur le Web mettant en évidence que le modèle précédent n’était plus adapté. Le site Internet a ainsi été totalement refondu pour être disponible sous forme d’application sur tablette et smartphone.
Enfin, la RSE a été signalée : un partage de la responsabilité à tous les niveaux, une augmentation des salaires pour les employés des magasins et des entrepôts, une surveillance des coûts (matière gâchée, stocks et surplus d’achats,…) pour améliorer la marge. Pour Eric Vandendriessche, « on ne peut pas être écologiquement responsable si on n'est pas économiquement rentable ».
Ainsi, Eric Vandendriessche de conclure qu’en période de crise, se concentrer sur un coeur de métier est une source de valeur ajoutée. Les actes et les gestes forts réalisés ont restauré la confiance auprès des équipes et ce climat positif a un eu impact majeur sur la perception du client.
Quand l’intelligence artificielle permet de mutualiser les stocks du retail
La startup Proximis, présentée par Thavy Khamtan, Global Alliances Director, est une Retail Rech fondée en 2017. Il s’agit de la première plateforme unifiée qui regroupe 60 clients commerçants et des marques, mutualise les stocks et l’offre au consommateur. Proximis permet de vendre et d’en-caisser; le vendeur devient mobile et autonome jusqu’au paiement. La réduction des stocks au niveau de chaque point de vente réduit les frais d’empreinte carbone et les couts de préparation.
Elle est née de l’analyse du comportement des consommateurs. En effet, selon une étude de Salesforce, 77% des consommateurs passent par plusieurs canaux avant de procéder à un achat. Pour autant, 80 % commencent à faire une recherche sur Internet avant d’aller acheter en magasin et à l’inverse, 56% des achats faits sur Internet viennent d'un parcours en magasin.
Le consommateur devient imprévisible avec la démultiplication des canaux et il est devenu très difficile pour les marques, qui réfléchissent encore en silos, d’accompagner le consommateur dans son parcours client.
Le commerce unifié cherche à homogénéiser le parcours des consommateurs quel que soit le point de contact et le canal d'achat emprunté par le consommateur, de garder la trace du panier du client, d’avoir le même système d’information, une forme de data hub, sur tous le magasins.
Les Galeries Lafayette ont ainsi équipé 57 magasins et une centaine de vendeurs en 3 mois, considérant le site Internet sous l’angle du e-commerce et de la e-réservation.
La Grande Récrée a refondu son site e-commerce et équipé 1 000 vendeurs de PDA pour vendre et encaisser les achats de produits, qu’ils soient en stocks dans le magasin ou non.
Jeff de Bruges a pu multiplier ses ventes par 3 en 5 mois grâce au commerce unifié.
Si l’on compare les données de la FEVAD à celles des clients de Proximis, les ventes en e-commerce ont augmenté de 53% sur le marché français et le click-and-collect de 46% alors que les clients utili-sant la plateforme Proximis ont vu leur ventes digitales augmenter de 232% et l’usage du click-and-collect augmenter de 602%.
Le secteur de la distribution de biens aux consommateurs fut l’un des plus révolutionnés par la crise covid. Qu’il s’agisse des produits de première nécessité ou non, l’impact humain fut majeur avec 2,5 millions de salariés concernés en France malgré une tentative d’atténuation des impacts par les politiques publiques. Cette crise, comme toutes les crises, a été un accélérateur de tendance et le secteur du commerce aura été très fortement marqué par l’accélération incroyable du digital et des services omnicanaux. Amazon, dont on a beaucoup parlé durant la crise, a gagné 7% de chiffre d'affaires mais a perdu 3 points de parts de marché , passant de 22 à 19% sur l'année 2000. Le secteur a également connu une modification en profondeur de la demande du consommateurs et les ques-tions environnementales et sociétales devient saillants. Enfin, étonnement, la pandémie aura eu des effets de revitalisation de certains secteurs, comme celui du fil à tricoter.
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