Depuis la deuxième édition de FashionTech Week Paris en 2015, la Chaire Lectra - ESCP organise des conférences inaugurales. Lundi 15 octobre, la table ronde "Prémices du futur : jusqu’où la technologie transforme l’industrie de la mode ?" a ainsi ouvert la 6ème édition de FashionTech Week Paris devant une audience de plus de 150 personnes.

Autour de Céline Abecassis-Moedas, co-directrice scientifique de la Chaire, plusieurs experts plusieurs experts ont abordé les technologies clés pour le secteur de la mode, leur impact sur les stratégies de localisation et de relocalisation et ont partagé leurs visions d’avenir : Ous Ouzzani, chief digital officer, Groupe Beaumanoir; Pierre-François Le Louet, président Fédération Française du prêt à porter Féminin et CEO, Nelly Rodi; Tony Pinville, CEO, Heuritech; Bertrand Escoffier, general manager, Le Slip Français; Nathalie Lebas-Vauthier, fondatrice, Marie & Marie et consultante, Good Fabric; Chloé Salmon- Legagneur, responsable de la Chaire BALI. 

Chaire ESCP Lectra

de gauche à droite Ous Ouzzani, Tony Pinville, Pierre-François Le Louet, Chloé Salmon- Legagneur, Bertrand Escoffier, Nathalie Lebas-Vauthier, 


Les technologies clés pour le secteur de la mode

En 2017, le DEFI - la mode de France a établi un rapport sur les 11 technologies clés en réponse aux défis de la filière française de l’habillement, qui présente : Cloud, Big Data, Intelligence Artificielle, Cybersécurité, Capteurs, RFID, IOT, Robotique / Cobotique, Drone, Fabrication additive, technologies immersives. 
Si la technologie est un sujet vaste qui touche toutes les étapes de la chaine de valeur traditionnelle, la mode a besoin de capitaliser sur l’apport de technologies déjà adoptées par les consommateurs. 
Pour le Groupe Beaumanoir, l’utilisation du big data et de l’intelligence artificielle est fondamentale pour concevoir des messages différents et tournés vers la satisfaction de leurs clients. Le groupe est le premier à avoir intégré la RFID sur l’ensemble de la chaine de valeur. Les technologies de base, telles les réseaux sociaux, sont incontournables pour établir un commerce relationnel et conversationnel avec le client. L’entrée du digital dans les magasins du groupe sont perçus comme un soutien à la force de vente, pour favoriser le relationnel client : "Le digital doit améliorer le temps client et réduire le temps back office" Ous Ouzzani
"Le bon réflexe est d’être à l’écoute des clients, de partir des différents besoins et des challenges de l’industrie de la mode et non de partir des technologies disponibles", Tony Pinville. Heuritech capture les informations de centaines de millions d’images échangées chaque jour pour comprendre les communautés, synthétiser les tendances, faire le lien entre le marketing et les problématiques business et avoir ainsi un meilleur suivi de la relation client. 
Si le luxe questionne l’innovation, les petits acteurs de la mode et les entreprises traditionnelles peinent à obtenir des budgets pour digitaliser les processus. Ces entreprises sont encore loin de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée. L’accompagnement de structures comme la Chaire BALI est fondamental et le besoin d’évangélisation est grand. A ce titre, Pierre-François Le Louet note qu’en 2 ans, 1 500 chefs d’entreprises de mode ont participé à des restitutions d’études sur le numérique, le développement durable et la fashiontech. 
Pour Nathalie Lebas-Vauthier, la technologie soit s’inscrire dans une démarche de progrès pour faire émerger des solutions : "On ne naît pas écolo mais on doit s’interroger et s’engager pour minimiser l’impact environnemental, pour passer d’une économie linaire à une économie circulaire". 
"La blockchain pourrait permettre plus de traçabilité dans la chaîne de fabrication et être au service de la valorisation des savoir-faire", Chloé Salmon-Legagneur
Le Slip Français est une marque digitale verticalement intégrée, qui assure constamment le lien entre les informations clients et la production en atelier. Né sur les réseaux sociaux, la marque est en direct avec les clients sur 90% des achats et fonctionne en circuit-court, ce qui permet de relancer les produits à succès rapidement et d’arrêter la production sur d’autres produits. Une difficulté cependant dans l’optimisation de ce processus, face à un outil industriel qui n'a pas forcément évolué. Il est encore complexe de faire bouger le site industriel et la supply chain. La logistique est un sujet très tech et fait partie des grands défis à relever. Bertrand Escoffier souligne justement qu’en fin de chaîne sur le montage, des techniciens pourraient remplacer des couturiers grâce à l’apport de la technologie sur ces tâches à répétition. L’entreprise accompagne les startups dans les nouvelles technologies comme la thermo soudure et la découpe laser et en tant que donneur d’ordres, encourage les initiatives industrielles. 


Localisation & relocalisation 

Pierre-François Le Louet note que les usines d’habillement français n’ont jamais eu autant de commandes, la situation s’est nettement améliorée en 5 ans et les décisions d’investissement et de transformations doivent être prises dès maintenant. L’augmentation de la demande des marques de luxe les incitent plus que jamais à investir dans la formation et l’évolution des métiers. Les défis majeurs concernent l’attractivité des usines et l’éducation des jeunes. 
Si l’industrie textile a été sinistrée en France sur les 40 dernières années, 2017 est la première année où des emplois ont été crées. Le secteur reprend et cela joue sur la confiance des usines, qui mettent en place des plans d’embauche mais il n’y a plus de filière de formation donc ils les forment eux-mêmes pendant 18 mois. Sur l’amont de la filière, la sous-capitalisation des PME est réelle et il est fondamental qu’elles se rapprochent des organisations professionnelles. 
Le Slip Français a inventé d’autres manières de produire, en travaillant main dans la main avec leurs fournisseurs, 15 façonniers français, pour pouvoir de grandir ensemble. Il y a 3 ans, 15 personnes formaient l’équipe, ils sont 100 aujourd’hui et vont produire 600 000 pièces cette année. 
Ous Ouzzani évoque la possibilité de combiner la production éloignée avec le near shore (production en Turquie, au Portugal et au Maroc) pour diminuer les coûts de transport, maîtriser davantage les délais et répondre à la demande prédictive. 
 

Visions d’avenir 

"Produire mieux, en réagissant très rapidement aux tendances pour éviter les gaspillages, c’est polluer moins. Par l’exploitation des données internes de l’entreprise et des données des réseaux sociaux, il sera possible de réagir très rapidement aux tendances du moment pour produire mieux, en moins grande quantité et de permettre aux marques d’arriver sur des marchés de niche avec les bonnes solutions.", Tony Pinville 
"La RSE sera au coeur de toutes les entreprises pour améliorer leur performance environnementale et sociale", Nathalie Lebas-Vauthier 
"Face aux nouveaux usages de la jeune génération, le retail va rester un outil expérientiel et accroitre sa dimension entertainment", Ous Ouzzani 
Les Alumni de l'Estia ont été interrogés sur l’évolution de leurs métiers dans 10 ans : 
- Conception, le métier de personal designer : les stylistes pourront à distance, avec des des casque de réalité virtuelle, co-construire avec consommateur 
- Production = programmateur textile : des liens de fabrication s’inscriront sur les chaîne de production, en fonction des contraintes de développement durable 
- Retail = "créateurs d’expériences : une animation omnicanale pour augmenter le parcours d’achat", Chloé Salmon- Legagneur 
"Le made in France ira de pair avec un engagement sociétal, un engagement environnemental et le développement de la capacité de production des ateliers", Bertrand Escoffier 
"L’arrivée de nouveaux acteurs traduit beaucoup de vitalité dans le secteur avec de nouveaux modèles économiques ou des modèles économiques anciens réinventés par une nouvelle génération : la mode est un territoire privilégié de réinvention de l’histoire chaque jour", Pierre-François Le Louet 

 

Chaire ESCP Lectra

 

Concluons avec le mot de Valérie Moatti, Doyenne de ESCP et co-directice de la Chaire Lectra - ESCP : 
"Au cours de ces 4 dernières années, j'ai vu évoluer la FashionTech Week et son équipe dynamique ! La Chaire Lectra - ESCP Mode & Technologie dont je suis co-directrice, s'est associée à la FashionTech Week depuis son origine et lui apporte depuis un soutien grandissant. En tant qu'acteur et observateur privilégié, nous reconnaissons que la FashionTech Week occupe une place de plus en plus prégnante tant auprès des académiques, que des industriels de la mode et bien sûr des créateurs. Chacune des éditions de la FashionTech Week comprenait une conférence organisée à ESCP par la Chaire Lectra Mode & Technologie. Cette année, en plus de notre implication traditionnelle, l'un des évènements phare de la Fashion Tech Week, la FashionTech Expo, aura lieu au sein de l'école et nous nous réjouissons de cette implication renforcée ! La FashionTech Week est une initiative ambitieuse et nécessaire pour affirmer l'excellence française en matière de mode, de luxe et de technologie." 

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