Retour sur la conférence de la Chaire Une Usine pour le Futur

L’événement a accueilli un panel de 10 intervenants de 7 entreprises :
-    Sandrine Cathelat, Directeur des études à Netexplo ;
-    Philippe Geai, Directeur Conception et Industrialisation, Safran Aircraft Engines ;
-    Laurent Mazoue, Directeur CEI Pièces Tournantes, Safran Aircraft Engines ;
-    Julie Lecardinal, Professeur Centrale Supélec, Directeur du département Sciences de l’Entreprise ;
-    Alexis Girin, Expert en Robotique, Domaine Leader Robotique/Usine du futur, CIMPA / Sopra-Steria ;
-    Yonnel Giovanelli, Responsable Pôle Ergonomie et Facteurs Organisationnels et Humains – Direction du matériel – SNCF ;
-    JP Ollier, Directeur Monde du Manufacturing Engineering Group - Michelin ;
-    Isabelle Marouby, DRH Adjointe - Formation & Développement des Compétences - Renault Digital ;
-    Corinne Fischer-Gode, VP Human Resources - Lacroix Electronics ;
-    Sabine Haman, Executive Vice President, Chief Human Resources Officer - Safran Aircraft Engines ;

… Et s’est articulé autour de 3 principaux axes : 

  • la collaboration homme-machine : l'usine 4.0, un lieu de fertilisation croisée entre l'homme et la machine 
  • l’organisation dans l’usine 4.0 : quelle(s) nouvelle(s) organisation(s) dans l’usine 4.0 ?
  • les compétences dans l’usine 4.0 : quelles nouvelles compétences dans l’usine 4.0 ? quelles compétences spécifiques à l’homme et à la machine ? quel management des compétences dans ces usines digitalisées ? 

Chaîmae Bennis, Doctorante de la Chaire Une Usine pour le Futur, revient sur ce qu'il fallait retenir de cette riche matinée.

Introduction : l'usine 4.0, un lieu de fertilisation croisée entre l'homme et la machine ?

Chaire Une Usine pour le futur

Présentée par Sandrine Cathelat, directeur des études à Netexplo : Observatoire de l’innovation digitale

Netexplo s’intéresse aux usages émergents liés au digital et leur impact sur tous les domaines : l’environnement, l’enseignement, la recherche et le monde des entreprises (RH, organisation, gouvernance…) avec l’idée de donner aux entreprises conscience de ce qui se joue à l’aune du digital et comment elles peuvent agir dessus en tant qu’acteurs actifs. 
En effet, à travers la captation et l’analyse d’une centaine de projets par an, Netexplo questionne les changements digitaux qui s’imposent à notre société, avec un regard plutôt "sociologique" que " technologique". 
L’observatoire se positionne donc comme un ensemble "d’usagers" dont l’objectif est de comprendre "en quoi le digital transforme les usages, les comportements et le rapport au monde".
Le numérique est présent constamment dans notre quotidien mais demeure invisible, incarné dans les machines ou ailleurs, dans le cloud. Il est également devenu accessible à tous. Aujourd’hui, il n’y a plus besoin de connaitre une langue spécifique pour communiquer avec l’écosystème numérique puisque se développent de nouvelles manières d’interagir avec cet écosystème : les commandes vocales, sensorielles, neuronales ou biométriques. 
Ainsi, l’irruption du digital dans notre société s’est traduite pour la société civile comme un gain de temps, une manière plus simple et plus commode de réaliser certaines tâches…
Pour les entreprises, elle se traduit par un gain en efficience, en productivité et en performance où il s‘agit de « se doper à l’outil numérique », «de s’outiller pour devenir augmentées, plus connectées et plus performantes ».En termes de compétences, il s’agit de connecter l’opérateur à de nouvelles compétences externes, l’augmenter par l’IA. Cela ne concerne pas seulement les compétences techniques comme par exemple PROGLOVE, un gant connecté qui aide le collaborateur à trouver le bon colis et qui vibre si opérateur se trompe ; mais également les compétences émotionnelles. 
Ces compétences techniques et émotionnelles sont de plus en plus déléguées aux machines, au point où serait née une confusion entre l’humain et celles-ci. Sur les compétences techniques et sur différentes activités de la vie courante, la machine singe l’homme et se confond à lui. A titre d’exemple, OPEN AI GPT2, un logiciel d’écriture dont l’ambition de ses créateurs est que l’humain n’arrive plus à distinguer si le texte produit a été écrit par une IA ou un humain. Dans ce cas, seulement une autre IA pourra être juge de ce qui a été produit par une IA ou un humain. Un autre exemple, sur la dextérité, DACTYL un logiciel qui imite la dextérité d’une main humaine. 
Le monde du digital s’approprie également nos compétences émotionnelles en « donnant aux machines un peu de nos émotions ». L’idée n’est pas seulement de ressembler à l’homme pour se confondre avec lui ; mais de l’aider à s’approprier le digital, se rapprocher de lui.  Un exemple, SEER un logiciel d’adaptation des émotions. 

Ces nombreuses illustrations amènent à poser la question : Quel rôle/avenir pour l’homme à l’ère du digital ? 

Le numérique est avant tout un outil et l’outil traditionnel (ex. marteau) a avant tout l’intelligence de son usager. Ce qui est différent avec l’outil digital, est que celui-ci embarque une intelligence qui n’est pas forcément celle de son utilisateur. 
L’humain est donc en coopération avec un outil qui embarque déjà une intelligence ; l’intelligence de son créateur. Il s’agit pour lui alors de gérer cette coopération et d’être responsable de l’intelligence embarquée par l’outil digital et de son utilisation. 
Le digital ne concerne pas l’outil numérique mais également la data / la donnée produite. Il s’agit ici aussi pour l’humain d’être responsable de la DATA, de sa production et de son utilisation. Il est responsable du « récit » de la collaboration homme-machine, de l’histoire qu’il raconte à travers son algorithme pour ne pas subir les effets de la technologie qu’il a développée. Il devra lui donner du sens, un objectif, un usage au-delà de la performance technologique. 
Penser la collaboration homme-machine c’est également penser gouvernance et gestion de différentes formes d’intelligence (l’intelligence humaine du collaborateur et l’intelligence numérique de l’outil). 
A titre d’illustration, au Japon, on assiste au phénomène de NEXTAGE où il s’agit de mettre côte à côte un homme et une machine avec la même description de poste, les mêmes compétences, travaillant avec les mêmes gestes sur un produit identique. En effet, le digital fait place à des équipes hybrides, composées de collaborateurs humains et de collaborateurs numériques. Chez AIR FRANCE par exemple, l’automatisation des wagons bagages a donné lieu à la création d’équipes où le travail est alterné entre la machine et l’homme selon le degré de complexité de la situation. Ici, la responsabilité est donnée à l’humain dans les situations à risque ou de danger. Est-ce parce qu’on lui fait confiance ? 
Concernant les compétences et métiers de demain : « il faut être exigeants » et savoir veiller à ne pas réduire les métiers à ce que sont capables de faire les machines. A titre d’exemple, le robot PEPPER de UNLIQLO au Japon est très réducteur de l’accueil client. Toujours au Japon, avec JX RESS CORP de plus en plus d’articles de presse sont écrit par des logiciels. Il faut donc veiller à ne pas oublier que le journalisme est plus que cela et ne pas réduire nos exigences. 

Concernant l’usine du futur : "L’usine fantôme"

L’usine du futur : ce sont des lieux de production capables de capter la donnée et de s’informer sur l’environnement en temps réel, de comprendre la donnée, l’analyser pour mettre en œuvre des stratégies et les appliquer. 
3 visions : Le digital only, la collaboration homme-machine, la fusion homme-machine.
Quelques exemples : 

  • DIGITAL ONLY : FUTURA : Logiciel d’auto prédiction des risques pour une maintenance. L’idée : déceler des conversations atypiques entre machines et probabiliser les risques de pannes pour anticiper opérations de maintenance. 
  • CONTINUSE BIOMETRICS : Logiciel de management de traders qui relève les constantes physiologiques des collaborateurs et calcule la probabilité de comportements à risque de ces derniers. Le logiciel décidera en fonction de ses calculs de réduire la latitude décisionnelle du collaborateur ou de lui demander de prendre du repos pour quelques jours ou à vie. L’idée est de sécuriser les process et sécuriser l’entreprise. 
  • COLLABORATION HOMME / MACHINE :MIND CONTROLLED WELDING ROBOT : Outil jumeau de l’opérateur : commandes neuronales 
  • FUSION HOMME / MACHINE :INJECTABLE ALCOHOL SENSOR (l’idée est de capter davantage d’informations sur l’état du collaborateur) : Outil de surveillance 
  • AUTRE TYPE DE FUSION : BIOHYBRID ROBOT : Logiciel japonais hybride utilisé dans le domaine médical et constitué de cellules souches de rats + numérique. 

Enfin, "le monde du digital a dans son ADN la décentralisation". Grâce à lui, il est possible de donner un nouveau visage de l’industrie où il est possible de produire hors des murs de l’usine, de produire différemment, d’autonomiser les collaborateurs, de miniaturiser des lieux de production…  
Avec MOBYMART en Chine par exemple, la production mobile est possible. Ici, le distributeur se déplace en fonction des zones de chalandise. 
Un autre exemple, SMaRT eWASTE MICRO FACTORY (AUSTRALIE) : des mini-unités de recyclage de e-déchets construit de manière frugale facile à dupliquer, peu cher à installer et facile à déménager. 


Table ronde – quelle(s) nouvelle(s) organisation(s) dans l’usine 4.0 ? 

Animée par Nathalie Esthelat, Professeur Affiliée ESCP et coordinatrice de la Chaire Une Usine pour le Futur avec : 
-    Philippe Geai, Directeur Conception et Industrialisation, Safran Aircraft Engines ;
-    Laurent Mazoue, Directeur CEI Pièces Tournantes, Safran Aircraft Engines ;
-    Julie Lecardinal, Professeur Centrale Supélec, Directeur du département Sciences de l’Entreprise ;
-    Alexis Girin, Expert en Robotique, Domaine Leader Robotique/Usine du futur, CIMPA / Sopra-Steria ;
-    Yonnel Giovanelli, Responsable Pôle Ergonomie et Facteurs Organisationnels et Humains – Direction du matériel – SNCF 

Chaire une usine pour le futur

Intervention de Philippe Geai et Laurent Mazoue de Safran Aircraft Engines 

Safran est un Groupe technologique international qui emploie 95 000 personnes dans le monde. Le Groupe opère dans les domaines de la défense, de l’aéronautique et de l’espace. " Toutes les deux secondes, il y a un avion dans le monde qui décolle avec nos moteurs !". Safran Aircraft Engines est une société du Groupe Safran fondé en 1905 qui conçoit, développe, produit et commercialise, seule ou en coopération, des moteurs pour avions civils et militaires et pour satellites. Avec une montée en cadence pour le moteur LEAP (2016 entrée en service) en 4 ans, similaire à celle du moteur CFM sur 25 ans, SAE a dû se positionner sur l’excellence industrielle en s’engageant sur l’amélioration de performance, la sécurité, la qualité, la compétitivité des usines, les cycles de fabrication, l’engagement des équipes dans la durée.

L’usine du futur chez Safran Aircraft Engines (SAE), c’est quoi ? Quelles technologies dans les usines SAE ?
SAE introduit dans sa production de nouvelles technologies digitales comme les robots ou les cobots venus soulager le collaborateur sur les gestes répétitifs et prévenir les problèmes de sécurité immédiate ou à venir. 
SAE intègre également à ses lignes de fabrication des manières de faire différentes avec la fabrication additive qui a l’avantage de réduire les cycles de production et d’intégrer des formes à géométrie complexe.

Pourquoi digitaliser ? 
Améliorer la qualité de vie au travail, attirer les talents, répondre aux attentes des clients avec des produits au meilleur niveau de qualité, avoir des cycles de développement courts, rester, redevenir compétitifs, optimiser l’utilisation des moyens de production, réengager les collaborateurs.
Chez SAE, le digital correspond à une stratégie basée sur plusieurs axes : 

  • La continuité du numérique : donner aux collaborateurs accès à une donnée unique et partagée par et avec tous les collaborateurs, sous une même appellation.
  • MES : Manufacturing Executive System : dématérialiser les ordres de fabrication, les fiches de contrôle… pour une usine sans papier permettant l’automatisation de certaines tâches : vérification de la conformité ou la qualité afin de réduire le taux d’erreur humaine. 
  • Les données de production : les données process et production qui permettent de faire des analyses de surveillance de process, mettre au point des gammes complexes, comprendre les raisons d’une crise qualité.

L’humain se concentrera alors sur des tâches de plus grande valeur ajoutée. 

Exemple de la transformation digitale du site du Creusot
Le site du Creusot a été créé en 1987 pour la production d’une seule famille de produit : les disques de turbines pour avions civils. Le site a été modernisé en 2016 pour l’arrivée du moteur LEAP bien que l’usine soit initialement sans papier et automatisée depuis sa création.
Le challenge a été humain dans cette transition puisque les anciens collaborateurs ne voulaient pas aller travailler dans le nouvel atelier digitalisé. 
Quelques planches BD sont venues illustrer cet exemple du Creusot.
L’usine du futur est une usine avec des humains. Les machines fonctionnent d’une manière autonome et permettent aux équipes de production (opérateurs) de passer d’un horaire en 3/8 à un poste 2/8. L’usine sera capable de se passer de ses opérateurs la nuit et les week-ends. 
Une exigence de compétitivité et robustesse industrielle : le drive de SAE est d’améliorer le FTY = taux de pièces bonnes du 1er coup faible. 


Intervention de Yonnel Giovanelli, Responsable Pôle Ergonomie et Facteurs Organisationnels et Humains – Direction du matériel – SNCF :

Fin 2015 a vu le démarrage à la SNCF du projet sur les exosquelettes en collaboration avec les organisations syndicales.
"L’homme augmenté est un sujet assez tabou à la SNCF".
Pour Y. Giovanelli, il est important d’envisager l’introduction de nouvelles technologies, comme les exosquelettes, à travers les différentes phases du processus d’acceptation de la technologie. 
Sur la première phase d’acceptabilité pratique, il s’agit de concevoir des dispositifs qui répondent à un besoin fonctionnel afin de favoriser à terme l’acceptation par les agents. L’acceptabilité sociale est aussi importante pour prédire l’acceptation sur le terrain par les agents. Enfin, il s’agit de faire comprendre à l’agent les différents usages pour lesquels la technologie a été prévue mais aussi ceux qui n’ont pas été prévu pour favoriser l’acceptation située par les agents en situation de travail et créer de nouveaux usages. "Les réponses doivent se trouver au niveau local, au niveau des postes de travail".
A la SNCF, il s’agit d’aborder l’exosquelette sous les facteurs organisationnels et humains où il est important d’être dans une posture d’intégration : "ce n’est pas toujours la faute de l’humain, l’accident". 


Intervention de Alexis Girin, Expert en Robotique, Domain Leader Robotique/Usine du futur, CIMPA / Sopra-Steria :

Qu’est-ce qu’un cobot ? 
"Aujourd’hui on appelle un peu tout cobot… parce que quand on parle de cobots c’est un peu mieux que de parler de robots auprès des syndicats".
Trois choses sont à distinguer quand on parle de cobots : la co existence, la co activité et la collaboration. Dans l’usine du futur, la relation avec le cobot est une relation de collaboration. 

Quels sont les éléments clés qui feront le succès de l’intégration des cobots dans une usine ?
Allier la capacité de l’homme à celle de la technologie est la clé d’une bonne intégration des cobots. L’intégration des nouvelles technologies doit se faire en amont et en aval. i.e. tenir compte des contraintes du procédé à automatiser mais aussi de l’environnement numérique (continuité numérique, conception intégrée produit process) et humain (HMI, accès aux données) 
"C’est les gens qui font qui savent où est la difficulté et si les technologies sont aptes à les solutionner".
L’automatisation globale implique la standardisation de tous les éléments, comment gérer la diversité, part Homme/Robot. e.g. Automatisation de la fabrication de la Tesla 3.
L’important est de garder en tête ce juste milieu entre le coût d’automatiser, par rapport à celui de mettre un humain sur la tâche. 


Intervention de Julie Lecardinal, Professeur Centrale Supélec, Directeur du département Sciences de l’Entreprise  

"L’industrie du futur c’est l’usine mais aussi la société de services, voire l’hôpital".
Centrale Supélec développe différentes formes de collaboration en enseignement et en recherche par exemple avec la création du Centre ICO du BCG (Innovation Center for Operations) qui est une usine école. ICO compte deux lignes de production, les industriels peuvent y tester des technologies nouvelles ou se rendre compte de la collaboration et de la cohabitation homme-machine (Homme VS AGV, cobots…). Des étudiants Centrale Supélec s’y rendent également pour tester des exemples de nouvelles formes d’organisation liées aux nouvelles technologies.
Un autre axe d’intervention de Centrale Supélec est de travailler sur la transmission du savoir-faire humain et sur la capitalisation et l’apprentissage du savoir non explicité / tacite (compagnonnage). L’idée est de transposer des compétences clés non explicitées, à des robots – l’apprentissage de savoir-faire à travers le machine learning (exemples sur de la détection de défauts dans le cuir, avec les exemples de Dior et Hermès).
Un dernier axe opérationnel concerne l’accompagnement de l’homme sur le terrain sur des activités de maintenance grâce à la réalité augmentée (eg. Vallourec).
"Les robots sont là pour décharger l’homme de tâches de non-valeur ajoutée".
"Un analyste financier a plus de soucis à se faire sur son avenir qu’un soudeur".


Table ronde 2 - quelles nouvelles compétences dans l’usine 4.0 ? quelles compétences spécifiques a l’homme et a la machine ? quel management des compétences dans ces usines digitalisées ?

Animée par Géraldine Galindo, Professeur ESCP et Directrice Scientifique de la Chaire Une Usine pour le Futur avec : 
-    Jean Philippe Ollier, Directeur Monde du Manufacturing Engineering Group - Michelin ;
-    Isabelle Marouby, DRH Adjointe - Formation & Développement des Compétences - Renault Digital ;
-    Corinne Fischer-Gode, VP Human Resources - Lacroix Electronics ;
-    Sabine Haman, Executive Vice President, Chief Human Resources Officer - Safran Aircraft Engines 


Intervention de Jean Philippe Ollier, Directeur Monde du Manufacturing Engineering Group – Michelin 

Qu’est-ce que l’usine du futur chez Michelin ?
"L’introduction des technologies digitales correspond à la mise à disposition de la donnée, au bon moment, au bon endroit et auprès de la bonne personne".
Deux piliers sont nécessaires au déploiement de la digitalisation chez Michelin : Le lean et la responsabilisation.

  • La culture du lean = application d’un système de production formalisé, pour lequel les équipes de production sont formées, et dont l’application est évaluée pour permettre aux équipes de progresser. Il s’agit de repérer tâches de non VA pour les éliminer ;
  • "Digitaliser le bazar, en général ça fait plus de bazar".
  • Il est nécessaire d’avoir des personnes capables de détecter tes tâches de non-valeur ajoutée pour les analyser et savoir les éliminer. Le lean est un prérequis fort pour aller chercher la performance par le digital.
  • L’autonomie au poste de travail et la responsabilisation = où il s’agit de donner de plus en plus d’autonomie aux équipes de production pour permettre au management de passer plus de temps au coaching, de lever les obstacles à cette autonomie, de donner du sens au progrès que l’usine aurait à réaliser, de mettre le client final au centre de la préoccupation de toutes les équipes.

Un des objectifs est de ne plus avoir de management dans les usines le soir et les week-ends afin de passer en (2/4). "Il faut du temps et de la persévérance et énormément de coaching".
Un autre objectif est de donner aux collaborateurs la capacité à analyser la donnée et d’agir dessus en toute autonomie. "L’important n’est pas d’avoir la donnée, c’est de l’utiliser". 

Quelles sont les compétences nécessaires à l’introduction des technologies du digital ?
L’introduction du digital dans les usines suppose le développement de compétences nouvelles mais également de compléter des compétences existantes chez les collaborateurs. 
En effet, le digital avec la problématique de la donnée, de l’évolution des systèmes d’information de l’usine, de la formation des équipes, de la mesure de la valeur des projets soutenus par les usines, de l’industrialisation des applications digitales correspondantes, de leur déploiement nécessite le développement des compétences liées à la donnée chez les collaborateurs : le stockage de la donnée, la gestion de la donnée, l’administration de la donnée, la protection de la donnée… 
Avec le défi de globalisation mu par le digital, on quitte la période des démonstrateurs pour l’ère de la généralisation de l’utilisation des technologies dans les usines qui nécessite de travailler sur des métiers qui permettent de répondre de manière efficace et homogène en interne aux problématiques liées à la donnée. Différentes initiatives Michelin sont mises en œuvre à travers des écoles internes, universités d’entreprise (Digital Academy, la digital factory ...)
"Les compétences sont dans les usines". 

Quel positionnement pour la fonction RH dans l’accompagnement de ce changement et de cette évolution des compétences ? 
Pour Michelin il est important de donner du sens aux collaborateurs, de leur faire comprendre ce qu’ils font pour l’entreprise et pour eux-mêmes. Il n’existe pas de fonction RH mais un "service du personnel"... au service du personnel. 
"… parce que dans personnel, il y a personne", Jean Dominique Senard cité par JP Ollier.
Le service du personnel a donc pour objectif de manager et d’aider la personne à penser son propre développement et à prendre sa carrière en main. Il s’agit aussi pour le service de faire comprendre au collaborateur sa place et son rôle dans l’écosystème et de promouvoir le travail d’équipe en lien avec ce rôle. L’objectif étant d’avoir l’engagement des personnes. 


Intervention de Isabelle Marouby, DRH Adjointe - Formation & Développement des Compétences - Renault Digital :

Initialement introduit pour donner plus de polyvalence aux opérateurs et aux managers de premier niveau, le lean est appliqué par Renault depuis plusieurs années. 
Deux compétences principales sont à challenger chez Renault : la data et la sécurité.

  • La Data est un chantier "Renault 2020". Ce chantier concerne les métiers de la maintenance et a pour objectif que ces services soient plus productifs (être en avance de phase sur le traitement de la data pour faire de la maintenance prédictive à 90%) ;
  • La Sécurité : enjeux de cyber sécurité/criminalité et questions de vulnérabilité (problème firewall 2019 - arrêt usine) 

Quel type d’actions mettez-vous en œuvre pour développer ces compétences chez les opérateurs ?
Il y a un effort de formation sur le métier de data analyst pour différentes fonctions : (formation interne à Renault et montée avec Michelin sur 44 jours modulaires)
Pour passer à de la maintenance prédictive, on donne des briques de compétences à des techniciens de maintenance en fonction de leur niveau et on va faire en sorte qu’ils travaillent autrement avec leur machine et leurs outils.
"Faire comprendre que le geste curatif c’est bien mais ce n’est plus d’actualité ".
La mise en place de ce statut de data scientist n’est pas seulement pour la maintenance mais également pour d’autres métiers de l’usine afin de maintenir le personnel dans leurs fonctions et dans l’entreprise et ne pas fragiliser les traditions  métier / remettre en question la notion de fierté d’appartenance. 

Quel positionnement pour la fonction RH dans l’accompagnement de ce changement et de cette évolution des compétences ? 
Deux mots important : Agilité et Territoire. Renault est une entreprise agile et tournée vers l’extérieur. Le rôle de la fonction RH est de tirer les usines du Groupe et les différents acteurs de son réseau vers le numérique. 

Intervention de Corinne Fischer-Gode, VP Human Resources - Lacroix Electronics :

En tant que sous-traitant, l’activité de Lacroix Electronics, dépendant fortement de celle de ses clients, se doit d’avoir une forte réactivité face à la demande. Le digital ne peut pas se faire sans introduire la culture du Lean. Lacroix Electronics a pour ambition de se diriger vers une industrie totalement 4.0 et ainsi, de travailler encore plus sur la notion de l’opérateur augmenté. En ce sens et à titre d’exemple, la collaboration homme-machine a déjà été renforcée avec l’introduction de cobot au sein des équipes de production, des systèmes d’alerte pour permettre aux opératrices de capter la donnée plus facilement…  
Il est devenu indispensable pour les équipes de production de s’organiser de manière plus autonome, de dépasser les effets de spécialisation et de gagner en polyvalence. L’enjeu de la multi-compétence est devenu primordial chez Lacroix Electronics. 
Il est également nécessaire de penser aux nouveaux métiers qui accompagneront notre croissance afin de mieux capter la data par exemple, d’accompagner nos collaborateurs dans ces changements d’organisation où le digital prendra une place prépondérante au sein de nos usines. Mettre en place des « ambassadeurs » de ces changements sera essentiel dans nos sites. Bien évidemment, le rôle et la responsabilité de la fonction RH pour mener à bien ces changements sera essentiel. 
Un autre relais important dans cet accompagnement au changement est le relais du management opérationnel, qui lui-même doit être soutenu et accompagné. Face à ces nouvelles technologies, les compétences vont devoir évoluer et nous devons être proactifs pour les aider à acquérir ces nouvelles compétences.

Quels positionnement pour la fonction RH dans l'accompagnement de ce changement et de cette évolution des compétences ? 
Aujourd’hui chez Lacroix Electronics, la transformation digitale nous a amené à gérer de front de nombreux projets internes de transformation/amélioration. Chaque projet portant son importance, il faut rester vigilant sur la cohérence de l’ensemble afin de ne pas perdre le sens collectif de ces transformations et éviter ainsi les effets de silotage. La fonction RH doit être facilitatrice dans l’accompagnement de ces projets en misant sur le développement d’une meilleure coopération entre services, qui permettra de créer de véritables effets synergiques au sein des équipes. Par ailleurs, le rôle de la fonction RH est au cœur des enjeux de l’intelligence collective : travailler  sur la communication interne, le management transversal, donner du sens à tous ces changements en rappelant l’objectif de notre digitalisation selon quel business model, tout ceci procède à une meilleure assimilation par nos équipes de cette nouvelle culture d’entreprise que nous souhaitons enrichir aussi par leurs propres contributions, qui permettra de créer plus de compréhension de lisibilité pour tous.
Ainsi la fonction RH se doit d’être ambassadrice du changement, un vrai business partner au service des collaborateurs et de l’entreprise.
Pour cela, il ne faut pas nous oublier, nous RH : afin de toujours mieux accompagner l’ensemble de nos collaborateurs et de nos managers, il est nécessaire de penser notre propre professionnalisation en tant qu’agent du changement. Ceci nous permettra de faciliter l’empowerment des équipes, et à l’instauration d’une meilleure culture du feedback au sein de notre entreprise.

Intervention de Sabine Haman, Executive Vice President, Chief Human Resources Officer - Safran Aircraft Engines :

Quelles compétences sont nécessaires aux opérateurs SAE ? 
Il y a 4 grands aspects dans l’évolution des compétences que nous vivons aujourd’hui : 

  • Compétences nouvelles liées au digital qu’on fait entrer dans la société ou qui peuvent émerger en interne (data scientists issus d’une montée en compétence interne) ;
  • L’éclatement des compétences : les métiers se transforment, certains apparaissent et d’autres disparaissent ;
  • Les métiers de l’industrialisation et de l’ingénierie se rejoignent : les compétences et métiers vont fusionner pour parler de briques de compétences. L’itération sera plus importante et posera la question de l’existence d’évolutions de carrière type.
  • Capacités liées à la DATA : il s’agit de savoir comment utiliser, comprendre, analyser la donnée et avoir le discernement pour piloter le flux.  

Quel positionnement pour la fonction RH dans l’accompagnement de ce changement et de cette évolution des compétences ? 
Aujourd’hui, on assiste chez SAE à un passage d’une logique de savoir à une logique de management où la légitimité du management ne se construit plus sur la base de ses compétences techniques mais également sur des capacités managériales. 
La fonction RH est un Business Partner chez SAE.  Des RH en proximité du management sont intégrés à la production dans des équipes opérationnelles. L’objectif étant de permettre à ces RH de proximité d’avoir tous les éléments leur permettant de comprendre ce qui se passe mais également être en mesure de répondre efficacement à l’accompagnement des collaborateurs. 
Cela permet aussi de capitaliser et de faire converser les compétences entre services et métiers. Plusieurs initiatives ont été mises en place pour mettre en résonnance les innovations internes et externes (plus récent : la collaboration avec des startups) au niveau de tous les sites SAE.
Enfin, l’objectif de la fonction RH est aussi de travailler sur le sens au travail et sur le rôle de la contribution de chacun dans l’organisation.
"Il faut le faire avec eux, il ne faut pas le décréter »
"En investissant dans la technologie et la modernité plutôt que dans l’accompagnement, nous avons nourris une peur" … "En pensant qu’on allait sécuriser l’emploi, on envoyait un message induit non-conscient qu’on fragilisait l’emploi"
: en référence à MCM au Creusot.

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