Le 7 novembre 2019
ESCP - Campus République

Laurence PELLETIER, doctorant du programme Ph.D. ESCP Europe Laurence PELLETIER, doctorante du programme Ph.D. ESCP a soutenu publiquement sa thèse de Doctorat en Sciences de Gestion.
Titre de la thèse :
La Fabrique du Burn-Out.
Une « terridéalité », alliance de terreur et d’idéalisation dans l’organisation

Jury 

Directeur de recherche :

  • M. Gilles ARNAUD,
    Professeur, ESCP

Rapporteurs :

  • M. Emmanuel ABORD DE CHATILLON,
    Professeur des Universités, IAE de Grenoble
  • Mme Bénédicte VIDAILLET,
    Professeure des Universités, Université Paris Est Créteil

Suffragants :

  • M. Jean-Francois CHANLAT,,
    Professeur des Universités, Université Paris Dauphine
  • Mme Florence GIUST-DESPRAIRIES,
    Professeure, Université Paris Diderot
  • M. Philippe ZAWIEJA,
    Chercheur associé, Université de Sherbrooke (Canada)

Résumé

Le burn-out et ses symptômes caractéristiques touchent l’individu. Par définition, ils se réfèrent exclusivement à son activité de travail. Partant de cette tension entre le sujet et le contexte organisationnel, cette recherche propose un renversement de perspective : plutôt que d’étudier le burn-out comme ensemble de symptômes individuels, elle analyse les processus dont le burn-out est lui-même le symptôme.

Pour cela, une approche transdisciplinaire, inscrite dans la complexité, est mobilisée. Elle articule psychologie, sociologie et gestion. La psychanalyse des organisations offre un cadre théorique dans lequel les processus étudiés sont subjectifs, qu’ils soient individuels, relationnels ou organisationnels. La visée de théorisation s’appuie sur la grounded theory, à partir de données issues d’accompagnements cliniques individuels ou collectifs. Certaines méthodes innovantes sont utilisées, comme le minidrame ou l’hyper-implication.

Cette recherche aboutit au concept nommé terridéalité. Ce terme désigne un système fermé de processus subjectifs, alliant terreur (terr-) et idéalisation (-idéal-), qui engendre une pseudo-réalité (-éalité) fantasmatique, « terre promise » dont le chiffre est le totem et le réel le tabou. Quand il « fabrique » du burn-out, ce système est porteur de six injonctions inconscientes caractéristiques : « L’idéal, c’est toujours plus », « Ce qui compte, c’est le compteur », « Tout doit disparaître, dans une accélération spatiale et temporelle », « Etre un super-héros, sinon rien », « Si tu as un problème, tu es un problème » et « Tout est possible, avec des solutions ». Elles le structurent selon trois composantes (respectivement paranoïde, perverse et cryptique) qui traversent trois dimensions (respectivement individuelle, relationnelle et organisationnelle). L’ensemble forme une emprise tyrannique, relayée par des techniques managériales concrètes.

Dans cet imaginaire social, plus le sujet est inconsciemment terrifié dans son environnement de travail, plus il s’en défend en l’idéalisant. Cette dynamique engendre une fuite en avant, étayée sur un déni collectif des limites et une confusion entre l’idéal et la norme. Elle affecte les formes prises par la pensée, les liens sociaux et l’équilibre psychosomatique : ils ne peuvent transformer une destructivité collective inconsciente qui prolifère et accentue cette dynamique terridéale. Le burn-out constitue une des issues, traumatique, à cette terridéalité dont le modèle est le Labyrinthe du mythe d’Icare.

Ces résultats apportent une compréhension des processus inconscients dans certaines organisations, invitant à des transformations profondes, notamment pour la prévention et l’accompagnement du burn-out, comme d’autres problématiques hypermodernes, auprès d’individus, de collectifs et d’organisations

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