L’étude du Professeur Géraldine Galindo permet de mieux comprendre les décalages dont fait l’objet l’accompagnement de la transformation digitale par la GRH d’un grand groupe industriel.
Basé sur une étude qualitative d’envergure menée au sein de Safran, partenaire de la Chaire Une Usine pour le Futur, l’article co-écrit par la directrice scientifique de la Chaire avec Emmanuelle Garbe (ISTEC Paris) et Jérémy Vignal (Université Bourgogne Franche-Comté), a été sélectionné parmi les quatre meilleures communications du 30ème Congrès de l'AGRH (Association francophone de gestion des ressources humaines), et publié dans le numéro spécial @GRH.
Les auteurs ont choisi de se centrer sur l’étude du cas Safran, leader mondial dans la fourniture d’équipements et de systèmes pour les marchés aérospatiaux et de défense, pour étudier les « gaps » (décalages) entre les politiques et pratiques de GRH dans le contexte de l’Industrie 4.0. « Ce grand groupe est composé de plusieurs sociétés, dont Safran Aircraft Engines (SAE), sur laquelle nous avons eu l’opportunité de nous concentrer par le biais de projets de recherche proposés et développés par la Chaire », expliquent-ils. Comme les autres sociétés du groupe, SAE a amorcé une « révolution industrielle » définie comme des « technologies (qui) impactent tous les aspects du système industriel traditionnel de la production proprement dite jusqu’au contrôle et à la logistique, en passant par le développement et même la formation des équipes ».
Deux grands décalages
Menée au niveau de la DRH groupe mais aussi auprès de responsables RH de sites, du management et d’opérationnels, cette recherche montre plus particulièrement que l’accompagnement de la digitalisation par la GRH fait l’objet de deux grands décalages : le premier entre la politique RH et les pratiques mises en œuvre, le second entre ces pratiques et leurs perceptions par les acteurs opérationnels. « Loin des théories du fit, [cette étude] montre plus particulièrement que la mise en œuvre d’une politique de GRH d’accompagnement de la transformation digitale se caractérise par les mêmes décalages entre "rhétorique" et "réalité" que ceux identifiés par la littérature, tout en mettant en avant les différents niveaux et origines de ces gaps, dans un contexte précis », poursuivent-ils.

L’un des principaux apports de cette recherche réside, selon eux, dans l’étude de l’accompagnement de la digitalisation des usines par la GRH, à la fois les processus mis en place pour soutenir la digitalisation et les perceptions des acteurs opérationnels : « Bien que souvent présentés comme un processus incontournable, un changement stratégique ou une nouvelle forme d’innovation organisationnelle, les aspects RH de la digitalisation n’ont à ce jour fait l’objet que d’un nombre de recherches limité. Pourtant, la digitalisation revêt de nombreuses dimensions RH, notamment par les enjeux humains qu’elle soulève ».
La révolution industrielle à l’épreuve de la réalité
Ce faisant, cet article revient sur l’idée communément partagée selon laquelle la digitalisation constituerait une révolution dans l’entreprise. Il montre que la digitalisation fait l’objet des mêmes décalages que toutes les transformations stratégiques « classiques ». Elle propose, par ailleurs, de comprendre ces décalages comme le résultat de « traductions » différentes du dispositif RH d’accompagnement de la digitalisation. « Si la notion d’Industrie 4.0. constitue un tournant majeur qui ouvre de nouveaux horizons en matière de production, elle s’appuie aussi sur des processus RH relativement classiques en matière d’accompagnement du changement, ajoutent les auteurs. Elle propose, par ailleurs, d’aller plus loin que le simple constat de l’importance de l’humain, dans la conduite des transformations digitales dans le secteur de l’industrie en montrant l’importance de comprendre les difficultés à aligner les intérêts de toutes les parties prenantes engagées dans ces évolutions ».
« La digitalisation est finalement un enjeu partagé par tous, opérateurs, managers et dirigeants des entreprises, concluent-ils. La visibilité de ce processus est particulièrement marquée dans les usines, via la mobilisation de machines de plus en plus automatisées, d’outils connectés et de réalité virtuelle. Les défis pour la GRH et plus largement tous les acteurs de ces usines 4.0. sont donc nombreux mais aussi croissants, notamment dans le contexte actuel de "digitalisation invisible" caractérisé par la croissance et la circulation des données partagées »…
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