Dans le cadre de ses activités scientifiques, la Chaire Dialogue Social et Compétitivité des Entreprises a initié huit projets de recherche d’une à deux années chacun, qui ont officiellement débuté en Janvier 2018.

Une de ses missions de la Chaire Dialogue Social et Compétitivité des Entreprises (DSCE) est de soutenir l’effort de recherche sur les relations sociales et la négociation collective afin de développer de nouvelles connaissances, et d’élaborer des dispositifs innovants pouvant avoir un impact réel sur les politiques des entreprises. C’est dans cette perspective qu’elle avait lancé un appel à projets ouvert aux équipes et aux chercheurs en sciences sociales qui s’intéressent aux relations professionnelles. Les thèmes de recherche retenus au niveau mondial par le comité scientifique de la chaire s’organisent autour de trois axes d’investigation : l’évolution des relations professionnelles à l’heure de la mondialisation, de la digitalisation et de l’individualisation.

L’essentiel des projets de recherche porte sur le thème Dialogue social & Globalisation. A commencer par celui de Rémi Bourguignon (IAE Paris 1 Panthéon-Sorbonne – Chaire MAI ; chercheur associé Cevipof/Sciences Po) et Marc-Antonin Hennebert (HEC Montréal – CRIMT), qui s’intéresse aux effets, en termes de relations professionnelles, des accords-cadres internationaux (ACI) signés dans les multinationales majoritairement européennes, notamment françaises et allemandes, et leurs filiales nord-américaines. « De nombreux observateurs pointent une tension entre la logique du dialogue social qui sous-tend ces accords et le régime nord-américain des relations professionnelles, dont les fondements sont sensiblement différents (reconnaissance volontaire, notamment…). A terme, cette tension pose de sérieuses questions quant à l’effectivité des ACI",expliquent-ils. Leur projet de recherche prend acte de cette tension et questionne les interactions entre ACI et pratiques de relations professionnelles en Amérique du Nord (reconnaissance syndicale, "neutralité positive" de l’employeur, mise en place d’instances de dialogue social, recours aux pratiques antisyndicales…). "Plus précisément, il s’agit d’observer comment les ACI signés par des multinationales basées en France sont appropriés par leurs filiales nord-américaines (Canada et USA) ».

Le projet porté par Noélie Delahaie et Kevin Guillas-Cavan (IRES) vise à identifier les modalités d’articulation entre la négociation collective transnationale d’entreprise (NCTE) et les autres niveaux de régulation dans l’entreprise (groupe, entreprise, établissement). « Dans le contexte de mondialisation et d’intégration économique régionale dont l’Union Européenne constitue un cas particulièrement développé, les relations professionnelles ont pris une dimension davantage transnationale, expliquent-ils. Du fait de l’internationalisation croissante des chaînes de valeur, les partenaires sociaux des entreprises multinationales investissent le niveau transnational de la régulation collective, notamment à travers les comités d’entreprise européens et la signature d’accords-cadres ». L’un des objectifs de la recherche est de questionner les enjeux de la NCTE en termes de production et de diffusion de standards nationaux, et ainsi les conditions d’émergence d’une gouvernance transnationale de la relation d’emploi.

Dans un contexte de croissance des inégalités dans le monde du travail, le projet de Camille Dupuy (Université de Rouen Normandie) et Patrice Jalette (Université de Montréal) vise à examiner le rôle de la négociation collective au sein de l’entreprise dans la création, le maintien ou la réduction de ces inégalités, entendues dans une acception large (salaires mais aussi conditions de travail et d’emploi). Pour cela, ils proposent une comparaison internationale portant sur quatre pays (France, Australie, Canada, Danemark) et deux secteurs (manufacturier et commerce). Tout en prenant en considération différents facteurs (économiques, institutionnels, organisationnels, sectoriels, stratégiques) et différents niveaux (national et sectoriel), cette recherche porte une attention particulière au niveau de l’entreprise, qu’elle prend comme principal terrain d’investigation dans l’analyse des processus de négociation collective. « Fondée sur des recherches documentaires et des enquêtes de terrain (focus groups et entretiens individuels), elle ambitionne de mettre au jour les acteurs, les pratiques et les processus susceptibles de créer ou de résorber ces inégalités, expliquent-ils. Elle contribuera ainsi à une réflexion menée avec les partenaires sociaux sur les perspectives d’évolution et de transformation de la négociation collective en France, et dans d’autres pays aux traditions de négociation contrastées ».

Le projet de Maria Koutsovoulou, Directrice scientifique de la chaire, part du constat que les facteurs susceptibles d'influencer le processus de négociation et ses résultats sont peu connus et peu utilisés par les praticiens. "Notre recherche vise à élaborer une approche systémique de la négociation du travail et à combler le fossé entre la recherche et la pratique dans ce domaine, explique-t-elle. Dans ce but, nous mènerons un programme de recherche composé de trois études principales, chacune explorant une des trois dimensions qui sont à l'origine du comportement du négociateur syndical". Ces dimensions sont : le processus intra-organisationnel (relation entre les représentants et les mandants-délégation, responsabilité, pouvoir de décision, négociation avec les mandants, perception de l'importance et du rôle institutionnel de l'Union) ; la dimension négociation (processus de communication, variables de pouvoir, motivations sociales du négociateur, confiance) ; la dimension normative, institutionnelle (fiducie institutionnelle, culture d'entreprise des relations professionnelles). « La raison d'être de chaque projet est d'explorer les facteurs qui favorisent ou entravent un comportement efficace de négociation sociale et nuisent par conséquent à la compétitivité des entreprises, et ce à l’international puisque notre méthodologie de recherche multiple comportera notamment une approche comparative ».

Le projet porté par Loris Guery (ISAM-IAE Nancy, Université de Lorraine) s’intéresse aux incidences que la nature de l’actionnariat des entreprises peut avoir sur les caractéristiques de la relation d’emploi et les relations professionnelles sur la base du constat de controverses, tant au sein du monde académique que de celui des praticiens. Il étudiera plusieurs situations idéales-typiques d’actionnariat (comme le financement par capital-investissement, les entreprises à actionnariat familial majoritaire, les filiales de groupes internationaux, les coopératives de salariés, etc.) en ayant recours à des analyses économétriques portant sur un vaste échantillon d’entreprises, ainsi qu’à des études de cas permettant d’avoir une appréhension plus fine des phénomènes étudiés. « L'actionnariat peut être familial comme il peut également relever de capitaux étrangers, l'idée est donc d'examiner en quoi la nature de l'actionnariat peut affecter les relations sociales dans les entreprises », précise Patrice Laroche, Président du comité scientifique de la chaire. "Par exemple, les fonds de pension américains en tant qu'actionnaires majoritaires sont-ils moins sensibles que les entreprises familiales aux revendications syndicales lors de suppression d'emplois ? Cela se traduit-il par des pratiques de GRH différentes et si oui, lesquelles ?"

Le projet de François Pichault, professeur à HEC- Ecole de gestion de l’Université de Liège (Belgique), s’inscrit quant à lui dans l’axe d’investigation portant sur l’évolution des relations professionnelles à l’heure de la digitalisation. La problématique générale des relations de travail dans un contexte  « d’ubérisation » de l’économie entraînant une individualisation de l’activité et la pluriactivité. Un sujet qualifié de passionnant par Philippe Pezet, Directeur des Relations sociales groupe et Directeur des Ressources humaines France chez Airbus, qui estime que « l’impact sur les différentes façons de travailler, les possibles transformations organisationnelles et les conséquences sur la relation avec les clients, sont des sujets cruciaux ». Il précise que la société Airbus a déjà commencé sa transformation et que tout le monde s’y interroge sur la transformation digitale. Patricia Fouache, Responsable des Relations Sociales Internationales chez Renault, confirme que les nouvelles façons de travailler sont au cœur du sujet, et qu’il faut traiter la digitalisation autrement que comme un simple outil RH.
Le projet porté par François Pichault a pour ambition de mieux comprendre dans quelle mesure des formes plus inclusives de dialogue social peuvent être développées pour sécuriser les parcours professionnels des travailleurs autonomes. « Par travailleurs autonomes, nous considérons les travailleurs atypiques ayant des statuts hybrides multiples entre salariés et indépendants, pour lesquels la supervision du processus de travail peut être partagée avec des tiers par le biais du co-emploi ou de la sous-traitance, voire devenir évanescente (contrat direct) alors que le contrôle est de plus en plus centré sur le résultat attendu », précise-t-il avant de préciser qu’il compte explorer et comparer trois manières de renouveler le dialogue social pour les travailleurs autonomes dans une perspective plus inclusive à travers une série d'études de cas dans trois contextes institutionnels contrastés : la France, la Belgique et les Pays-Bas. 

Le projet de François Grima (Université Paris Est Créteil) et de Pauline de Becdelièvre (IGS Paris) s’inscrit dans l’axe Dialogue social & individualisation tout en s’intéressant également à la nouvelle économie et ses effets sur le militantisme syndical. En effet, François Grima et Pauline de Becdelièvre s’intéressent aux nouvelles formes de militantisme et prévoient d'étudier séparément l'attitude des employés envers les syndicats, l'impact de la numérisation sur les militants et la gestion des salariés qui militent dans les organisations syndicales. Basé sur une comparaison internationale entre la France et les Etats-Unis, le premier volet de leur étude portera sur l’attitudedes salariés à l’égard des syndicatsainsi que le comportement des individus faisant face à des difficultés au sein des syndicats, et soulignera les différences culturelles entre  ces deux pays. Le deuxième projet s’attachera à comprendre l'impact de la digitalisation sur les militants syndicaux et son impact sur leurs relations avec leur syndicat, et à expliquer par le biais d’une approche quantitative et qualitative comment les militants utilisent ces nouvelles possibilités pour agir en tant qu'activistes. Le dernier volet concerne le management des salariés militants et l'impact de leur gestion sur les entreprises, leur carrière et les militants eux mêmes. Il se basera sur des entretiens avec des managers et des militants syndicaux pour mieux contribuer au concept d'ambidextrie, en montrant l'impact des différents types de stratégies et tactiques des managers et des militants sur les entreprises.

Enfin, le projet de Patrice Laroche s’inscrit également dans l’axe d’investigation portant sur l’évolution des relations professionnelles à l’heure de l’individualisation. Cet axe englobe des études consacrées aux facteurs explicatifs de l’investissement des salariés dans l’action collective, son incidence sur les carrières professionnelles et les attentes des salariés à l’égard des syndicats. Et s’intéresse aussi aux nouvelles formes de participation directe des salariés, la question de la représentation du personnel dans les entreprises se posant d’après Patrice Laroche avec une nouvelle acuité depuis la réforme du travail engagée par le gouvernement français en septembre 2017. Cette refonte du paysage des institutions représentatives du personnel (IRP) soulève de nombreuses interrogations, notamment sur les conséquences éventuelles de la disparition de certaines instances sur le comportement des acteurs, et plus généralement sur le fonctionnement et la qualité du dialogue social dans les entreprises. Ce programme de recherche a donc d’après lui « l’ambition d’apporter un éclairage sur un sujet rarement abordé dans notre pays qui s’inscrit pleinement dans la réflexion portée actuellement par la Commission d’évaluation des "ordonnances Travail" mise en place par la Ministre du Travail, Muriel Pénicaud », et dont l’organisation et la coordination ont été confiées notamment au Président de la chaire : Jean-François Pilliard. En effet, il s’agit pour Patrice Laroche d’insister sur les avantages compétitifs qui peuvent découler d’une meilleure prise en compte des enjeux auxquels sont confrontées les entreprises au travers de la refonte de la représentation du personnel.

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