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« Pour quoi et à quoi consentir quand on s’engage dans un travail ? »

Jean-Philippe Bouilloud et Jean-Michel Saussois, professeurs de management, soulignent, dans une tribune au « Monde », l’ambiguïté du discours sur le travail, à la fois réalisation de soi et acceptation d’une limitation de liberté.

Publié le 10 juin 2022 à 13h00, modifié le 10 juin 2022 à 13h09 Temps de Lecture 2 min.

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Après la période du Covid-19, des phénomènes comme la « grande démission » aux Etats-Unis ou les difficultés en France pour recruter dans certains secteurs comme la restauration ou la santé, montrent qu’on peut ne plus consentir, au travail, à ce à quoi on a, trop longtemps peut-être, ou sans y prendre garde, consenti.

Le télétravail, avec ses espoirs de liberté et d’économies de temps de transport, réinterroge bien des consentements préalables, des habitudes de pensée et des systèmes de valeur hérités.

Le contexte

Trente-huit millions de salariés américains ont quitté leur emploi, en 2021. Cela a donné naissance au concept de « grande démission », qui désigne le désenchantement des salariés postérieur à la pandémie. Le confinement et le télétravail ayant « révélé », par contraste, la médiocrité des conditions de travail, voire sa « perte de sens ». Le phé­nomène n’épargne pas la France, avec 400 000 démissions d’un CDI au troisième trimestre 2021. Les entreprises et la fonction publique peinent à attirer des candidats. S’agit-il, en période de reprise économique, du banal rééquilibrage d’un marché jusqu’alors favorable aux employeurs ? Ou d’une véritable « crise du consentement », explorée par les sociologues, gestionnaires, juristes, médecins, économistes et psychologues réunis à l’ESCP Business School, les 9 et 10 juin, pour un colloque intitulé « Consentir ? Pourquoi, comment et à quoi ? »

Chez de nombreux jeunes cadres, la question du travail croise d’autres préoccupations, politiques et environnementales. Nombreux sont les jeunes diplômés de grandes écoles qui, tels ceux de l’Ecole nationale d’agronomie récemment, ne consentent plus à s’investir dans des secteurs dont les modes de fonctionnement ou les finalités leur paraissent contraires à leur engagement citoyen.

On pourra objecter qu’il s’agit d’une poignée d’étudiants rebelles ou en rupture, mais le phénomène entre en résonance avec l’air du temps. Ces jeunes diplômés expriment le fait qu’ils ne veulent plus jouer selon les règles du jeu que les entreprises leur proposent. Ils affirment haut et fort leur choix, et le font savoir.

Discours managérial en porte-à-faux

Cette position radicale met en porte-à-faux le discours managérial qui recherche l’adhésion aux valeurs de l’entreprise. Pour quoi et à quoi consentir quand on s’engage dans un travail ? S’agissant du salarié ayant signé un contrat de travail, la question est difficile puisqu’une clause de subordination est contenue dans le contrat.

Comment peut s’établir un consentement « libre et éclairé » dans une telle relation asymétrique ? Et quand celui qui travaille n’est pas dans une véritable relation contractuelle mais, à des degrés divers, autoentrepreneur dans une organisation ubérisée, de quel consentement parle-t-on ?

Le consentement au travail est donc un écheveau qui mêle souci de soi, autonomie du sujet et contraintes, imaginaires des relations à autrui et réalités des structures hiérarchiques. Déjà, le langage quotidien pointe une première difficulté : travailler pour une entreprise, c’est en accepter les règles ; mais est-ce nécessairement consentir à tout ce que cela implique ?

Les cas des lanceurs d’alerte qui décèlent des malversations, ou de ceux qui ressentent de la souffrance éthique quand ils sont poussés par l’organisation à enfreindre leurs convictions personnelles, nous montrent bien que l’entreprise nous demande un consentement qui ne va pas de soi.

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