Retour sur les deux derniers Petits-Déjeuners du Commerce 4.0 de la Chaire Prospective du Commerce dans la société 4.0

Au terme de plusieurs mois de confinement en France, la Chaire "Prospective du commerce dans la société 4.0" ESCP Business School/E. Leclerc/BearingPoint ouvre la discussion sur l’impact de cette période inédite sur le secteur du commerce et de la distribution et sur les conséquences possibles de la crise sanitaire, à court et plus long termes. Assistera-t-on à une forte rupture avec le commerce d'avant ? Quels seront les effets de cliquet une fois la crise passée ? Les effets s'atténueront-ils une fois les contraintes sanitaires disparues ? De nombreuses questions apparaissent.
Il est évidemment trop tôt pour y répondre, surtout dans une perspective scientifique qui nécessite distance, tests, mesures, réfutations, etc. Notre mission est d'abord de collecter des données (des avis d'experts et de grands témoins, des premières mesures, des signaux faibles, etc.) et de formuler des hypothèses de travail pour ensuite les tester et les confronter aux faits.
Dans cette perspective, se sont déroulés, en ligne, le 3 juin et le 1er juillet 2020, les 28 et 29ème petits déjeuners thématiques de la Chaire.


Retrouvez ici les replays :

Episode 1
Episode 2


Madame Elisabeth Denner, présidente de la Chaire et Associée chez BearingPoint et le Professeur Olivier Badot, directeur scientifique de la Chaire, y ont invité les experts et grands témoins suivants :
- Monsieur Philippe Goetzmann, expert en distribution et fondateur du cabinet de conseil Philippe Goetzmann &, membre du Conseil scientifique de la Chaire ;
- Monsieur le Professeur Pascal Lardellier, anthropologue et sémiologue à l’Université de Bourgogne ;
- Monsieur le Professeur Philippe Moati, Professeur agrégé d'économie à l'Université Paris-Diderot et co-Président de l’Observatoire Société et Consommation (ObSoCo) ;
- Madame Sabrina Herlory Rouget, Directrice générale France de Mac Cosmetics ;
- Madame Delphine Mathez, Présidente de Stokomani ;
- Monsieur Yves Guénin, Secrétaire Général d'Optic 2000 ;
- Monsieur Stéphane Mauroy, Directeur de la transformation omnicanal de Bouygues Telecom ;
- Monsieur Quentin Reygrobellet, Co-fondateur et propriétaire de BirchBox ;
- Monsieur Philippe Tavarès, Directeur de l’Organisation et des Systèmes d’Information dans le groupe Bricomarché/Bricorama/Brico Cash.

Quatre grands thèmes ressortent de ces travaux exploratoires :

- l'accélération de la digitalisation du commerce (1.) ;
- des consommateurs citoyens de leurs territoires et du monde (2.) ;
- des clients désorientés (3.) ;
- l'adaptation du commerce à un quotidien « covidé » (4.).

Dans un premier temps, ces quatre thèmes seront analysés et illustrés puis transformés, dans un second temps, en un jeu de six hypothèses (5.) qui seront « suivies » et éprouvées au cours des mois à venir.

1. L'accélération de la digitalisation du commerce
Les clients interdits d'achat physique durant le confinement (à part pour les courses de première nécessité) ont migré vers le e-commerce (au sens large) comme une solution de substitution. Nombreux sont ceux qui ont démarré des achats sur Internet alors qu’ils avaient toujours préféré la visite en magasin. Le confinement a entériné la pertinence du canal digital comme soutien ou complément aux canaux physiques (d'autant qu'ont été fortement sollicités tant le e-commerce « pur » que le drive). Se pose alors une question sur le futur du e-commerce : comment retenir ces réfractaires contraints à la technologie ? Cette récente acculturation au e-commerce sera-t-elle durable ou n'était-elle due qu'à la contrainte de la crise sanitaire ?
1.1. Baisse de fréquentation des magasins physiques, surtout non alimentaires

Une enquête réalisée par l’ObSoCo montre que la fréquentation des commerces physiques par rapport à la période d'avant le confinement a connu une baisse importante. 41 % des Français affirment que leur fréquentation est inférieure à ce qu’elle était avant le confinement, alors que 50% reviennent à leurs pratiques d'achat antérieures. Entre mi-mars et mi-mai, selon LSA (7 mai 2020), le confinement a engendré une perte de 54 Milliards d'euros et trois secteurs concentrent 63 % de cette perte : l'automobile (-11,6 milliards d'euros), l'équipement de la maison (-11,5 milliards d'euros) et la restauration (-10,7 milliards d'euros) 

1.1.1. Un shopping sous contraintes sanitaires

Après la levée des mesures du confinement en France, le 11 mai 2020, la reprise de la consommation est restée timide. Selon un sondage réalisé par l’Institut Nielsen, à la veille du 11 mai, seuls 2 % des Français souhaitaient retourner faire du shopping. Même quinze jours après, les flux de consommateurs étaient loin de ceux d’avant la pandémie. Par exemple, le BHV Marais déplore une fréquentation de -20 % par rapport à 2019. Un mois après la réouverture de 136 000 commerces « non essentiels », les Français n'ont pas encore massivement retrouvé le chemin des magasins et les files dattente devant les magasins sont un trompe-l’œil. Ces scènes qui tendent à donner une illusion de frénésie d’achats post-confinement sont surtout dues aux mesures sanitaires contraignant les magasins à limiter le nombre de clients et donc à les faire patienter à l’extérieur, à enfiler un masque et à se désinfecter les mains. Selon une étude Sum Up du deuxième trimestre 2020, 6 commerçants sur 10 jugent les mesures d'hygiène trop contraignantes.

Chez Stokomani, qui a fermé ses portes pendant le confinement, le nombre de clients après le confinement n'était pas plus élevé, par contre, le montant des achats par client était très supérieur à la normale. En ce qui concerne le type d'achat, les clients recherchaient des produits d'hygiène, tels que des masques, des gants, des lingettes antibactériennes, des gels hydro-alcooliques. Et aussi des produits d'aménagement. Les gens ont passé deux mois à l'intérieur de la maison, voyant le même mur, ce qui a généré de nouveaux besoins. Le produit que Stokomani a beaucoup vendu fut le « spa gonflable ». Puis viennent des piscines, des produits de jardin et des produits de décoration.

Selon l'enquête réalisée par l'ObSoCo, les premières causes de la baisse de fréquentation des magasins sont une baisse de l'envie de se rendre dans les magasins (48% des consommateurs français) et la crainte de la contamination (39 %). Cependant, d'autres raisons ont réduit la fréquentation, comme l’application des gestes barrières qui rend l’expérience d’achat peu agréable pour 33% des répondants, suivi de leur situation financière actuelle (19 %) et de leur préférence à continuer à acheter sur Internet (12 %). L'étude Sum Up du deuxième trimestre 2020, 43 % des commerçants physiques sont très inquiets quant à leur avenir voire, « à bout de souffle ».

1.1.2. Un shopping sous contraintes économiques

Pour le Professeur Moati, la chute de fréquentation des points de vente physiques doit moins à la concurrence dInternet qu’à la contraction des budgets — notamment au profit de l'épargne (Madeline, 2020) — mais aussi à un rapport plus critique à la consommation. En ce qui concerne la récente dégradation du pouvoir d’achat, l’ObSoCo pointe ainsi que cette dégradation amène les personnes déclarant la plus forte contrainte budgétaire à réduire le plus possible leur fréquentation des espaces commerciaux. En juin, 37 % des Français déclaraient que leur revenu avait été impacté par la crise sanitaire et 38 % craignaient de perdre leur emploi. Pour cette raison, les principaux espaces commerciaux impactés sont ceux des centres des villes moyennes ainsi que la plupart des zones commerciales de périphérie.

La fréquentation d’Internet et du e-commerce n’est pas non plus directement en rapport avec la baisse de fréquentation dans les magasins. Seuls 5 % des personnes ayant une très faible intensité dachat en magasin achètent fréquemment des produits en ligne. La proportion augmente rapidement à « 34 % chez ceux ayant une forte propension à l’e-commerce » et même « 46 % chez ceux ayant une très forte habitude d'achat en ligne ».

1.1.3. Le spectre de la critique de l'hyper-consommation

Le recul de fréquentation ne se limite pas à une question de chiffre, souligne le Professeur Moati pour qui, le phénomène « apparaît lié à une prise de distance de certains individus à l’égard de la consommation et donc des espaces commerciaux auxquels ils l’associent ». L’étude de l'ObSoCo dresse ainsi le portait de quatre grands groupes de consommateurs, dont la consommation tantôt matérialiste, hédoniste ou empreinte d’écologie a entraîné une concentration de la fréquentation sur certains types d’espaces commerciaux :

▪ les adeptes de la proximité (33 % de l'échantillon) : ils privilégient centres-villes et commerces de quartier. Groupe le plus âgé — les plus de 55 ans y étant surreprésentés — ces consommateurs se sentent éloignés des centres commerciaux, retail parks et autres commerces de périphérie, notamment en raison d’opinions défavorables à l’égard de la consommation ;

▪ les adeptes des petits centres commerciaux de périphérie (25 % de l'échantillon). Ces consommateurs rejettent précisément les grands espaces commerciaux, urbains ou périphériques. Plus âgés et ruraux que la moyenne, mais aussi plus contraints financièrement, ils préfèrent les petites surfaces de périphérie ainsi que les magasins installés en bordure d’axes routiers ;

▪ les adeptes des grands espaces commerciaux (22 % de l'échantillon) : plus jeunes et urbains (moins de 34 ans), apprécient les grands centres commerciaux régionaux ainsi que les espaces commerciaux des très grandes villes, qu’il s’agisse de malls ou de commerces de rue. Cette population, caractérisée par une sensibilité au matérialisme et à l’hédonisme, n’a en revanche que peu d’attrait pour les petits centres commerciaux de périphérie et les marchés ; 

▪ les exclusifs des centres commerciaux (20 % de l'échantillon) : ils apprécient moins les achats dans les pôles de proximité que dans les centres commerciaux, ouverts ou fermés. Cette population est principalement jeune (18-24 ans) et sensible au matérialisme et à la modernité.

Le commerce physique semble « entravé par une distorsion de perception face aux ventes en ligne » qui l’emportent sur le commerce en magasins sur les notions de choix, d’efficacité et d’adaptation aux besoins. Par ailleurs, le commerce physique souffre aussi de dimensions négatives telles que « le stress, la complexité et la fatigue générés par la visite ». En revanche, il profite d’une perception agréable ou encore distrayante, selon le Professeur Moati. Par contre, la « dimension plaisir » (achats, rencontres, etc.) offerte par les centres commerciaux reste perçue comme artificielle.

1.2. L'accroissement du recours au e-commerce (au sens large)

Durant le confinement, un des circuits à la croissance la plus forte a été le e-commerce. Selon Kantar, le chiffre d'affaires des canaux digitaux que sont le drive et la livraison à domicile a augmenté de 25,5 % sur le premier trimestre 2020 par rapport à la même période l'an passé. Par ailleurs, 52 % des Français ont réalisé leurs premières courses en ligne durant le confinement, selon une enquête Criteo de mai 2020. Le « click-and-collect » a triplé et la livraison locale a été multipliée par 5. Selon Nielsen France, plus d’un million de foyers supplémentaires ont essayé le drive sur la première semaine de confinement, dont près de 500 000 retraités. Mais tous les secteurs n'ont pas bénéficié de cet engouement. Par exemple, s’agissant des enseignes du commerce vestimentaire, les ventes sur Internet n’ont pas permis de compenser la perte de chiffre d’affaires en magasin. La Fédération nationale de l'habillement (FNH) évoque, pour les enseignes adhérentes, une perte de chiffre d'affaires de l'ordre de 40 % en 2020.

La transformation digitale chez Nike, par exemple, est jugée comme très performante de toutes parts, ce qui lui a permis de limiter fortement les effets de la pandémie du Covid-19, du confinement et de la crise sur ses performances. D’un côté, la marque a fermé ses magasins physiques et de l’autre, ses activités digitales ont progressé de 36 % sur le premier trimestre 2020. De même, la plateforme Shopify a annoncé avoir observé une hausse de 49 % de la création de boutiques en ligne depuis le début de la crise sanitaire. Pour leur part, les magasins Bricomarché/Bricorama/Brico Cash sont restés ouverts à l’exception de 2 à 3 semaines. Parallèlement, les ventes sur le site Web en « click-and-collect » ont été multipliées par 3, représentant une augmentation de 240 % du chiffre d’affaires. La marque BirchBox, en tant que pure-player du e-commerce, a observé une forte croissance de ses ventes. Leur nombre de ventes box et marketplaces confondues a doublé depuis mars dernier. De même, le trafic a lui aussi doublé et le panier moyen a été plus élevé qu’à l’habitude de 40 %. Concernant Mac Cosmetics, 90 % du chiffre d’affaires s’effectue en temps normal en off-line. Durant ces derniers mois, la demande digitale a explosé. Le secteur de la beauté, largement représenté par le « brick-and-mortar », a constaté un e-consommateur plus dépensier pendant la période de pandémie que son client moyen, pourtant dans un secteur où l’achat repose principalement sur l’expérience sensorielle. Par ailleurs, les appels ont augmenté de 50% et les demandes en data de 30 % pour les abonnés de Bouygues Télécom. De ces exemples, un constat commun émerge : le consommateur ne s’est pas totalement arrêté de consommer et les canaux digitaux, solution de repli face à l’incapacité d'acheter en points de vente physique, ont été populaires durant la période de confinement. 

Fin avril 2020, la Fevad a réalisé une enquête auprès de 146 sites de e-commerce en France en les interrogeant sur l'évolution de leur situation et sur les conditions dans lesquelles les e-commerçants abordaient le déconfinement. Malgré la crise, 86 % des sites de e-commerce ont réussi à maintenir leur activité. Seuls 14 % d'entre eux déclarent avoir cessé leur activité, le plus souvent de manière partielle. La situation des ventes via le commerce digital depuis le 1er avril 2020 est par ailleurs en amélioration par rapport aux 15 premiers jours de confinement pour 69,4 % des acteurs interrogés. Près de la moitié des e-commerçants (45 %) qualifie même la situation « en nette amélioration ». Celle-ci est particulièrement marquée pour l'équipement de la maison et la mode, deux des secteurs les plus touchés en mars. Les éléments positifs se situent principalement dans le chiffre d'affaires (pour 76 % des répondants) et le nombre de visiteurs (73,4 %

Le plus grand problème que le groupe Bricomarché/Bricorama/Brico Cash a rencontré lors du confinement fut celui de la logistique, des activités de back-office, de préparation de commandes, etc. Pour Mac Cosmetics, l’acquisition pré-confinement de nouveaux espaces de stockage a facilité la vente par livraison. Pour le service Bouygues Télécom, le canal digital n’a pas compensé la réduction des ventes de smartphones. Stéphane Mauroy évoque les limites de la livraison sur ce canal, lors de l’achat de produits de valeur comme le smartphone, d’une valeur de 200 à 1 200 euros. Il faut prévoir des livraisons premium, avec des rendez-vous personnalisés et un envoi sécurisé. 

Du e-commerce aux e-conférences, en passant par les e-apéros, la dématérialisation pourrait connaître une nette avancée. Celle-ci semble en marche. En 2019, 24 % des Français regardaient quotidiennement des plateformes vidéo de type Netflix (50 % des 15-24 ans) et 22 % écoutaient tous les jours de la musique en streaming sur Deezer ou Spotify (58% des 15-24 ans). D’autres pratiques devraient se développer dans le contexte de la crise sanitaire : réunions à distance, téléconsultations des médecins, des psychologues, télétravail, éducation à distance, médias digitaux, vente à distance, livraison à domicile, etc. En d'autres termes, une partie des vies a basculé dans le digital et le consommateur a substitué les échanges virtuels à la présence physique. Les contraintes de confinement semblent avoir remis en cause les habitudes des consommateurs, pour un temps au moins.

1.3. Acculturation durable au commerce digital ?

Une nouvelle frange d’utilisateurs du e-commerce et du drive a donc émergé : des clients plus âgés qu’à l’habitude ou résidant dans des zones non concernées auparavant. Par exemple, Birchbox, qui enregistre 10% de nouveaux clients chaque mois, a identifié 40% de ces nouveaux utilisateurs « dans la tranche d’âge de 25 à 45 ans, nous avons vu des clients pas forcément avides du digital mais qui sont allés chercher dans le e-commerce ce qu’ils ne pouvaient se procurer off-line ». En outre, les différentes générations ont gardé le contact par visio-conférences, partagé des moments en postant ensemble des vidéos sur les réseaux sociaux. Les parents furent instruits à la micro-vidéo par leurs enfants sur des réseaux comme Tik Tok, les parents ont instruit les grands-parents à l’utilisation de Skype, Facebook ou Messenger. L’ensemble du marché des services Web a accueilli des utilisateurs qui n’avaient jamais sauté le pas. 

Selon les théories de l’acceptation des technologies, les difficultés à en faire usage et/ou la difficulté à en percevoir l’utilité constituent les premiers freins pour les réfractaires de ces technologies. Pour certains, cette nouvelle habitude se révèlera évanescente, avec un retour vers les canaux physiques dès que possible. Une autre part de cette extension de marché, épargnée par l’attrition, entraînera de nouveaux défis pour la distribution. 

Le parcours du nouveau client du e-commerce — qui souvent avait repoussé son utilisation depuis des années — est grevé de forts coûts psychologiques et d’apprentissage. Il s’agira pour le e-commerce de lui offrir un accompagnement rapproché et rassurant. Le défi est aussi de bien distinguer ces novices des « digital natives » ou des « digital migrants », pour lesquels une telle approche pourrait sembler infantilisante. Le e-commerce se retrouve donc face à des consommateurs présents mais à l’attitude parfois fermée et à convaincre. Il s’agira de poursuivre une communication dynamique, sociale et efficace pour les habitués de la technologie tout en retournant vers les fondamentaux tel que rassurer sur la sécurité des paiements en ligne ou la protection des données pour les nouveaux utilisateurs.

2. Des consommateurs citoyens de leurs territoires et du monde
L'ère actuelle semble rendre manifeste la prophétie du Professeur Morris Holbrook selon laquelle, les consommateurs occidentaux, après avoir dégagé une valeur économique puis sociale de leurs actes d'achat, chercheront à maximiser une valeur provenant davantage d'expériences éthiques (bonnes pour la planète) et spirituelles (bonnes pour leur âme) (Holbrook, 1999). Ces tendances se traduisent chez les consommateurs par des phénomènes semble-t-il catalysés par la crise sanitaire et le confinement : consommer « moins mais mieux » ; un besoin de proximité et de local afin de revitaliser leur confiance dans le secteur de la consommation ; la volonté d'être davantage parties prenantes dans leur écosystème ; une conscience de souveraineté d'approvisionnement mais limitée par les ressources en production et par les prix. 
2.1. Consommation et transition écologique : consommer « moins mais mieux »

Face au confinement, la consommation des Français a été transformée : achats de proximité, volonté de « faire soi-même », prise de conscience critique de la surconsommation et de son impact environnemental. Toutes ces habitudes semblent conformes à la position des Français sur l'écologie. Cependant, de telles pratiques étaient déjà en gestation et si un certain consensus apparaît autour de la nécessité d’une transition écologique, avec un retour au local, les pratiques semblent davantage s’orienter vers la sélection plus rigoureuse de produits plus durables que vers une réelle décroissance (Badot et Moati, 2020).

Selon l’étude annuelle Greenflex d’Ethicity, 94 % des Français souhaitent consommer des produits responsables et durables, et les raisons qui les poussent à changer leur manière de consommer sont : les risques pour la santé, l'impact écologique et une nécessaire production locale. Une forte majorité souhaite revenir à des produits simples, accessibles à tous, respectueux de l’environnement et en adéquation avec la sauvegarde de la planète. Les consommateurs souhaitent privilégier dorénavant les produits bio, « éco-labellisés », certifiés éthiques, acheminés via des cycles courts et moins polluants. L’étude souligne également que « 50,5 % d’entre eux préfèrent consommer mieux plutôt que de consommer moins ». D’après 76 % des répondants, acheter de manière responsable est une façon de favoriser le développement durable.

Une étude de l’Agence Bio relevait une augmentation de 14,7 % des ventes de produits bio durant la crise sanitaire. Les sondages d’Ethicity signalent également que « 89 % des interrogés choisissent des produits qui leur permettent de rester en bonne santé » et que 60 % favorisent automatiquement les alternatives naturelles. Également, selon un sondage Omnibus pour YouGov, « 68 % des Français se disent prêts à adopter un comportement plus éco-responsable après la pandémie » et plus des trois quarts considèrent que cette crise sanitaire est l'occasion de mener une politique ambitieuse de transition écologique. Toutefois, les Français sont prêts à payer plus cher… mais pas beaucoup plus cher, selon Madame Mathez, ce qui confirme les travaux publiés en 2019 par l'Observatoire du Cetelem « Think local, Act Local ! » déjà présentés et analysés dans le cadre de cette Chaire.

2.2. Confiance, proximité et engagement local
2.2.1. Confiance et transparence

63% des Français déclarent avoir perdu confiance dans les grandes marques. Selon Monsieur Philippe Tavarès, la proximité physique et sociale du groupe Bricomarché/Bricorama/Brico Cash et son intégration dans le maillage local, ont permis de rassurer les clients surtout dans ce contexte si anxiogène. De même, l'enseigne Bouygues Télécom a remis en avant la proximité des clients avec ses 500 points de vente : « Il y a le besoin de retrouver ses routines, son conseiller ». Son conseiller, son Bricomarché, etc. Les clients ont besoin de s’approprier symboliquement l’entreprise ou la marque. Ce faisant, ils contraignent le commerce local à se mobiliser lorsque que le lointain devient dangereux. Conjointement, le consommateur s’engage dans un lien de confiance et de fidélité. « L’omnicanal, la proximité, le service vont créer la confiance, ce qui nous différencie d’Amazon » selon Philippe Tavarès. La priorité est actuellement de stabiliser des routines face à une situation extraordinaire, favorisant une fidélité forte pour le commerce physique. 

Selon Sabrina Rouget, « La marque doit communiquer son engagement au-delà du simple « story telling » et aller vers un « story proofing ». Le client veut des chiffres et des faits concrets désormais ». Au cours des derniers mois, le consommateur a fait confiance aux indices et aux statistiques pour anticiper son avenir proche. Les chiffres furent à la source des efforts sociaux : ils ont permis une prise de conscience d’une certaine réalité et la naissance de nouveaux héros (le personnel soignant et les hôtesses de caisse, notamment). La marque peut s’inspirer de ces pratiques. Elle peut faire état de son engagement auprès de la communauté directe dans la modestie des chiffres et des faits objectifs. La marque sera alors, elle aussi considérée comme un héros du quotidien par l’ensemble de ses clients, à l'instar des analyses de Umberto Eco (1993).

2.2.2. Un désir de produits locaux

Selon Philippe Goetzmann, le renforcement de la proximité est une voie d’avenir pour les points de vente physiques urbains. La société « s’archipélise » pour le dire comme Jérôme Fourquet (2019) : chacun trouve dans les faits proches la preuve qu’il a raison, la société se divise, se replie sur des particularismes. Le consommateur risque d'avoir encore plus besoin d’être face à ce qu’il connaît, moins ouvert à la découverte. Il s’agira pour la distribution de garder une forte cohérence avec les convictions des consommateurs dans le développement de son offre sans pour autant opérer des choix trop radicaux. En la matière, l'écart entre les imaginaires et les comportements reste important.

Les producteurs et commerçants de produits bio et le commerce de proximité ont vu venir de nouveaux clients pendant le confinement. Cependant, la question reste de savoir si ce dynamisme se poursuivra ensuite. D'autant qu'au-delà de la mythologie du petit producteur local travaillant « à l'ancienne », toute la nourriture produite localement n’est pas « durable » : 11 à 12 % des émissions de gaz à effet de serre seraient dus à la production de nourriture locale (vs la totalité de la nourriture produite). Outre ce chiffre, ce qui compte c'est aussi la qualité de la terre et de l’eau utilisée. Le mieux est encore de demander directement aux fermiers comment ils travaillent quand ils vendent leurs produits en direct et d’évaluer la qualité de leur sol quand cela est possible.

Cette tendance n'est pas nouvelle mais s'accentue. Déjà en 2014, une enquête réalisée par Ipsos et Bienvenue à la ferme avait montré qu'un Français sur deux estimait ne plus savoir ce qu’il mangeait. C’est donc auprès du producteur « à côté de chez soi » ou en consommant les aliments produits « là où j’habite » que beaucoup trouvent de plus en plus de réassurance. Il s’agit surtout d’une tendance qui progresse (69 % des acheteurs de produits locaux déclarent en acheter actuellement plus qu’avant) et qui devrait continuer à se renforcer (59 % disent qu’ils vont en acheter plus dans les 6 prochains mois). 47 % des consommateurs ont aussi le sentiment qu’il est difficile de se procurer des produits alimentaires sur lesquels ils se sentent entièrement rassurés. Seulement 2 Français sur 10 n’ont eu que rarement ou jamais ce sentiment (19 %). Enfin, plus d’un tiers des consommateurs avoue aller, plus qu’avant, chercher des informations sur Internet sur les produits alimentaires avant de les acheter (39 %). 80 % des consommateurs disent acheter désormais des produits locaux et parmi eux, près de 4 personnes sur 10 déclarent le faire souvent (41 %, contre 39 % qui le font parfois et 20% rarement ou jamais).

En outre, une réduction du trafic et des flux de clients, due, par exemple, au développement du télétravail, risque de bouleverser la géographie du commerce et de favoriser le commerce local, celui proche de son habitat. En effet, une nouvelle répartition géographique des chiffres d’affaires de la distribution se profile. Depuis des décennies, les praticiens, sociologues ou politiques, ont fait la différence entre lieu de travail, lieu d’habitat et lieu de commerce. Aujourd’hui, les géographies du travail et de l’habitat se rapprochent, et cela impactera la géographie du commerce si cela perdure. La Chaire commence une recherche visant à analyser l'impact du développement du télétravail sur la fréquentation des commerces implantés dans des zones de flux (gares, aéroports, notamment) et dans des zones d'activité et de bureaux et sur les politiques de localisation des distributeurs concernés.

2.2.3. L'engagement local du consommateur... limité par les ressources en production et le consentement à payer

En pleine cohérence avec la « crise de confiance », l’enthousiasme pour le produit local et qualitatif, auparavant plus discret, semble émerger. Depuis la fin des années 2010, une méfiance se développe face au commerce international et aux dogmes traditionnels de l’économie d’échange. Comme une prise de parti vers une responsabilisation dans nos achats, l’écoresponsabilité, l’éthique et la solidarité se perçoit dans les paniers au détriment des quantités, et ce principalement dans le secteur alimentaire (53 % des consommateurs souhaitent acheter local, en France en 2020) (Badot et Moati, 2020). Cette tendance s'appliquera-t-elle au secteur de la fast-fashion qui sembla illustrer un besoin d’hédonisme jetable, d’échappatoire de la responsabilité imposée ou choisie, de plaisirs superflus... ? Le succès de l'emblématique enseigne Primark semble s'être émoussé depuis le déconfinement, mais aussi, du fait de l'absence de stratégie de e-commerce, sans doute trop coûteuse du fait de son positionnement-prix (Villanueva, 2020).

La tendance à l'achat local sera-t-elle davantage justifiée par l’impact environnemental ou par un engagement solidaire pour le pays, voire, le terroir dans lequel on vit ? Avec la crise sanitaire, les Français ont été responsabilisés dans leurs comportements les plus quotidiens, comme par exemple l’incitation au port du masque. Ce masque a d'ailleurs cristallisé un niveau élevé de défiance en constatant la pénurie dans le pays du fait de la délocalisation de sa production, comme celle de certains médicaments d'ailleurs. Ici encore, la crise sanitaire vient catalyser une tendance lourde, celle de la peur de la « grande bascule » (Stoffaës, 1987), l'accélération de la mondialisation qui créerait toutes les conditions favorables à l’émergence et à la diffusion de ce type de pandémie : déforestation, destruction des milieux naturels, industrialisation de l’agriculture et augmentation des transports de biens et de personnes. La mondialisation serait donc la grande responsable de ce qui nous arrive, qu'il s'agisse de la foudroyante rapidité de l'extension du virus ou de l'impuissance des États à en arrêter la progression. L'idée du « retour à la souveraineté » constituerait la solution se fondant sur l'affirmation implicite que, la souveraineté relevant de l'État constitue la manifestation évidente de la prééminence du bien public sur l'anarchie et l'immoralité des intérêts privés. 

Selon une étude récente PriceWaterhouseCooper/Kantar, 62 % de consommateurs souhaiteraient consommer auprès des producteurs locaux afin de les soutenir financièrement après le confinement. Le consommateur prendrait ainsi une responsabilité citoyenne dans ses achats, renforcée par les évènements récents. Cette tendance à l'engagement dans la création de valeur nationale et locale comme variable importante dans la prise de décision d'achat a été signalée et analysée par les recherches de Capelli et al. (2020). Plus précisément, Madame Delphine Mathez, Présidente de Stokomani, constate différents types de consommateurs : (i) ceux qui achètent des produits qui viennent du Vietnam, (ii) ceux qui achètent des produits de marques européennes qui coûtent trois fois plus cher, (iii) et une part croissante qui achète une chemise en coton bio produit en Europe, soulignant en cela l’existence d’une conscience bio et écologique. Mais, selon Monsieur Yves Guénin, Secrétaire Général d'Optic 2000, le défi est énorme, notamment dans son secteur. En effet, actuellement, la lunetterie française correspond à 0,5 % de la lunetterie mondiale, et « personne en France n'est capable de produire une lunette complète ». Habituellement, « nous pouvons fabriquer la pièce métallique en France, mais il y a plusieurs autres pièces qui viennent d'autres pays ». La mondialisation permet d'accéder à une multitude de produits à des prix acceptables pour la majorité des consommateurs. 

Le pendant e-commerce de cette tendance se matérialise chez Birchbox au travers de deux enjeux principaux. Le premier est la volonté croissante de produits éthiques bio ou éco-responsables, tandis que le second réside dans un engouement pour les marques « direct-to-consumer » qui contrôlent toute la chaine de valeur (voir le compte rendu du 26ème petit déjeuner à propos des Digital Natives Vertical Brands). D'ailleurs, le secteur des cosmétiques rejoint les tendances de l’alimentaire. Le consommateur s’y veut, non pas engagé localement, mais plutôt citoyen du monde. Ses motivations se tournent vers l’expression d’un soi humaniste et naturaliste. Il souhaite protéger son contexte naturel et favoriser les productions à échelle réduite plutôt que les écosystèmes industriels (Poulain, à paraître). Par ailleurs, sur les plateformes digitales, une forte tendance à la valorisation de producteurs-artisans se distingue, bien illustrée avec le succès de la marque cosmétique Glossier, ou de la plateforme Etsy. Dans ces deux cas, la communication sur le résultat, l’utilité du produit, est épurée au profit de la proximité avec les valeurs du consommateur : l’authenticité d’un épicurisme de l’éthique renforcé par le dialogue entre producteur et consommateur.

3. Des clients désorientés
Entre sentiment d’urgence et d’instabilité, puis retour à une introspection prescrite, les clients ont bouleversé leur approche du shopping. La demande semble plus réfléchie et réservée à l'égard d'un hédonisme exacerbé. 
3.1. Perte de spontanéité et achats de nécessité

La consommation est « un fait social total » selon le Professeur Pascal Lardellier. Force alors est de constater pour l’anthropologue l’exactitude de cette affirmation durant les derniers mois. Mars 2020 a observé des ventes records dans la distribution alimentaire en France. Les moyennes surfaces ont enregistré des différentiels de +84 % de chiffre d’affaires le vendredi 13 mars, et de +108 % le dimanche 15 mars 2020, selon l’Institut Nielsen. Les Français ont brutalement réalisé l’ampleur d’un phénomène d’épidémie et ont cristallisé leurs craintes par une ruée vers des achats principalement alimentaires. L’épuisement des rayons de farine, œufs, pâtes, etc. a donné à voir des consommateurs inquiets et désorientés. 

Contraints au confinement strict d’abord, les consommateurs ont perdu leurs perspectives de quotidien. Le shopping physique se transforma dès lors en interdit ou, dans le meilleur des cas, en réflexion pour optimiser le temps de liberté. De plus, le commerce physique non alimentaire a été en majorité éteint pendant la pandémie, au contraire du e-commerce. Aujourd’hui, de nombreux magasins ont pu rouvrir leurs portes, accompagné d’une demande plus ou moins enthousiaste. Mais les gestes barrières sont de véritables freins à l’achat, dénaturant le plaisir et la spontanéité du shopping ante-Covid. Selon Stéphane Mauroy, nous serions à l’aube de l’abolition de l’achat d’impulsion, et de la naissance d’un shopping réfléchi. Dans la typologie de la valeur de consommation du Professeur Holbrook (1999), on assisterait alors :
- d'une part, à une exacerbation des formes de valeur fondée sur l'efficience (le meilleur rapport qualité-prix, la minimisation du risque sanitaire en magasin, etc.) et sur l'éthique et la spiritualité (consommation bonne pour la planète et purifiante pour soi) ;
- d'autre part, à une atrophie des sources de valeur dérivées de la désirabilité sociale (effet de démonstration, consommation ostentatoire) et du divertissement (shopping hautement hédoniste).

La crise sanitaire orienterait les achats en magasin davantage vers les produits de première nécessité. L'enquête sur le confinement et les effets attendus du Covid-19 conduite par l'ObSoCo a montré que la plupart des consommateurs réduisaient leurs achats aux articles strictement nécessaires. Une proportion importante de clients (71 %) a répondu avoir acheté des produits dont ils avaient vraiment besoin, tandis que 9 % souhaitent se livrer à des achats « pour retrouver le plaisir de consommer » après cette période de confinement, et 20 % un peu des deux. 

Dans ce contexte, une question est devenue clé : qu'est-ce qu'un produit essentiel ? Les législations dans le cadre du confinement prévoyaient que seuls les produits de première nécessité seraient acceptés dans le cas de fouilles policières des achats des consommateurs, sans pour autant préciser ce que sont les produits de première nécessité. Définis par le gouvernement comme des commerces « non-essentiels » au début du confinement, les magasins de bricolage et les jardineries ont été, à partir du 18 avril 2020, autorisés à ouvrir afin de servir les consommateurs qui se nourrissent des fruits et légumes de leur jardin. Toute cette situation de restriction a créé du stress et limite l'expérience hédoniste d'achat. Par contre, bières, vins, alcools forts ont fait florès dans les caddies des Français. Par rapport à la même période, en 2019, ces produits ont observé une augmentation de 20% des ventes. Dans les rayons, les glaces ont gagné en popularité ainsi que les rayons pour un barbecue réussi, les bars et restaurants étant fermés.

3.2. Introspection chez les consommateurs et tendance à la frugalité

Pour le Professeur Pascal Lardellier, « nous avons passé une phase d’introspection des consommations ». Le consommateur contraint dans ces alternatives d’achat, a dû faire l’effort mental de recherche et d’adaptation de ses habitudes à des offres alternatives, et en cela, faire le tri des consommations qui méritaient ou non cet effort. C’est une sorte d’écrémage des marchés qui s’est opéré, vers les clients les plus motivés, mais ne se transformant pas forcément en croissance des marges. Les marchés se sont contractés en quantité vers les consommations les plus justifiées, vers une sorte de frugalité. Le consommateur serait devenu un « méta-consommateur » analysant avec un regard global et distancé son shopping. Passée la ruée vers les surfaces alimentaires durant les premières périodes de confinement, le consommateur a dû faire face à de fortes contraintes d’achat et les a utilisées comme opportunité de concentration vers ses valeurs les plus importantes. Il y aurait d’abord eu une désorientation, puis une glaciation des consommations. Pour BirchBox, la première semaine de confinement a marqué une période de sidération des consommateurs où il y eut très peu de transactions. Les clients se sont ensuite montrés avides de qualité et d’authenticité, renforçant la tendance au « small is beautiful ». 

À l’heure actuelle, les Français sont 82 % à vouloir reporter leurs achats à venir. Il faudra sans doute adapter l’offre de valeur aux budgets des consommateurs, probablement très impactés par la crise économique en marche. Selon Philippe Goetzmann, nous n’avons encore que très peu de ressenti du changement qui s’opère. S’il a été assourdi par les priorités de santé récentes, l’endettement est bien présent et produira ses effets dans un futur immédiat. En effet, pour 20 % des Français, 65 % de leur revenu est déjà engagé dans des dépenses indispensables : loyer, électricité, télécom, alimentaire. Cela signifie qu’il ne leur reste que 35 % de leur revenu à consacrer à des achats moins essentiels. Relativement à ces 35 %, toute baisse du pouvoir d’achat aura, selon lui, de fortes conséquences sur les mentalités et le quotidien. Ceci devrait entraîner un engouement pour le discount et pour des enseignes à l'offre optimisée comme Lidl.

« D’une horizontalité sociale, le consommateur serait passé à une verticalité domestique ». À force de réduire son champ d’action, le consommateur a dû hiérarchiser son for intérieur, son foyer et ses consommations. Moins stimulés par des influences extérieures et moins tournés vers l’action, les foyers ont pris le temps de la réflexion et de l’égocentricité, ce que Faith Popcorn (1992) nomma dès les années 1990, le « burrowing ». Ce retour sur soi restera-t-il un phénomène éphémère largement lié au confinement ou se propagera-t-il ?

4. Le commerce s'adapte à un quotidien « covidé »
Toutes ces analyses invitent à réfléchir aux moyens de perfectionner l’expérience d’achat dans les espaces commerciaux physiques, en réduisant des dimensions négatives et en renforçant des dimensions positives, indique le rapport de l’ObSoCo. La dimension plaisir pourrait être pensée au travers de l’esthétique de l’environnement, mais aussi par l’évocation de territoires immatériels en résonance avec les valeurs du moment. 

4.1. Expérience et empathie peuvent-elles réenchanter un quotidien « covidé » ?

Le confinement et la crise sanitaire ont posé de nombreuses difficultés au secteur du commerce et de la distribution, notamment physique. Les pertes seront peut-être épongées sur plusieurs années. Cependant, au-delà d’une épreuve majeure pour le commerce de contact, l’après-confinement apparaît comme une opportunité de repenser la relation-client.

4.1.1. Des masques en magasin... mais pas d'ambiance de carnaval

Tauber (1978) énonçait que les gens vont en magasin pour des raisons bien éloignées de la seule acquisition consumériste. Marcher, rencontrer, oublier le quotidien : le shopping est, achat ou non, producteur d'enchantement (Firat et Venkatesh, 1995 ; Badot et Filser, 2007). Barth et Anteblian (2011) ont démontré que même les courses les plus ordinaires pouvaient se transformer en histoires extraordinaires. Le retraité fait ses courses le samedi afin d’y croiser plus de monde, le père de famille joue pour un temps au chasseur-cueilleur, etc. Certains clients se déconnectent volontairement de leurs écrans en touchant, regardant, vivant l'ambiance de l’enseigne. D'ailleurs, depuis plusieurs décennies, la distribution s’efforce de créer de véritables expériences de shopping (Roederer et Filser, 2015), un équilibre subtil entre échappée du quotidien et rituels sécurisants. Les nouvelles habitudes de port de masque et gestes barrières ont modifié ces rites, et perturbé le naturel des relations commerciales et sociales. L’austérité choisie du consommateur et sa crainte de l’adversité à venir sont l’occasion pour le commerce de pousser de nouveau au réenchantement du point de vente.  « Il doit réincarner la relation-client qui s’est distancée et favoriser l’expérience kinesthésique » plaide le Professeur Pascal Lardellier.

L'affaire n'est pas gagnée car, selon l’enquête de 2020 « Tendances de Consommation » du Credoc, le confinement a convaincu les Français que le bonheur ne repose plus sur une consommation effrénée et dénuée de sens. La crise du Covid-19 a conduit à se concentrer sur les besoins vitaux : manger, dormir, prendre soin de soi. La chose n'est pas nouvelle, d'année en année l'achat plaisir cède du terrain à l'achat nécessaire. En 2019, le plaisir motivait 18 % des consommateurs et la nécessité 30%. En 2020, ces deux critères sont respectivement de 16 et 36 %. 

De façon plus générale, le Covid-19 a bouleversé la consommation hédoniste, notamment le secteur de la beauté. En France, selon Content Square, les ventes de cosmétiques en ligne ont été davantage affectées que dans d'autres pays occidentaux. Les Français se sont d’abord concentrés sur les produits de première nécessité, puis sur l’équipement du logement pour les nouvelles fonctionnalités de bureau, de l’école à la maison ou encore de divertissement (média, décoration). La mode, la beauté et le luxe n’ont vraiment pris leur place que début avril 2020, soit quinze jours après le début du confinement et n’ont au final pas progressé autant que dans d’autres pays, comme le Royaume-Uni. Chez Mac Cosmetics, le discours est resté bienveillant, empathique, autant pour les clients que pour les salariés. Sur les réseaux sociaux, la marque faisait une communication quotidienne sans promotion manifeste, en ajoutant une légèreté qui adoucissait la morosité ambiante. La marque a ainsi réussi le tour de force de rester dans le quotidien de ses clients. Or 90 % des clients de Mac Cosmetics achètent en magasin et ont manqué à l’appel pendant la fermeture des commerces ; la marque a craint de perdre des clients. « Un grand enjeu, exacerbé récemment pour Mac Cosmetics, est celui de la rétention du consommateur sur Internet. Les bases de données, de plus en plus importantes et coûteuses, ne provoquent pas directement l’achat. Le magasin reste le canal le plus performant » confie Sabrina Rouget. La marque a alors promu son soutien plutôt que ses ristournes et a privilégié une promotion « corporate » pariant sur le lien émotionnel et la proximité psychologique dans cette période d’inquiétude. 

Les consommateurs doivent dorénavant porter un masque tous les jours : une nouvelle culture du masque peut naître, certainement aussi dans le domaine de la mode, mais également dans celui de la beauté où le regard est la seule partie du visage qui pourra être mise en valeur. Le Covid-19 changera sans doute aussi notre perception sur les emballages et flacons des produits de beauté, où les consommateurs auront moins de contact avec les produits exposés dans les magasins afin d'éviter la contamination.

En résumé, la distribution va sans doute devoir réaliser le pari de marier sensoriel et expérienciel avec distanciation et sanitarisation. Assisterons-nous alors à l’avenir à une schizophrénie du shopping en magasin, entre hygiénisme de rigueur et réenchantement nécessaire ? Le vendeur posera alors des mots rassurants et légers sur un langage du corps distancé et froid.

4.1.2. Le relation-client d'antan mais « augmentée »

Il peut en être de même sur Internet. Par exemple, pendant le confinement, Mac Cosmetics, marque très servicielle, a mis en place un service virtuel en « one-to-one » bien plus performant que l’emailing classique. « Nous sommes concrètement dans l’étape du vendeur « augmenté » dont il faut accompagner la transformation » indique Madame Sabrina Rouget. Ainsi, la relation-client empathique se matérialise-t-elle également dans le canal digital. Et ce, non pas seulement grâce aux bases de données et au marketing ciblé, mais par la recréation d’un service de contact humain au travers des communications virtuelles. Les familles, amis, ont utilisé les techniques de l'information et Internet pour recréer un lien physique distendu. 

Dans la distribution, le vendeur possède une place ancestrale dans les routines sociales de l’individu. Comme en témoigne Quentin Reygrobellet, le e-commerce n’est pas là pour déshabiller le commerce physique et il a besoin de l’expérience off-line. Chez Bouygues Télécom, les consommateurs ont attendu la réouverture des magasins. Le trafic en magasin a dépassé les objectifs car, dès les premiers jours de réouverture, les clients étaient prêts à faire 30 minutes de queue pour avoir une interaction avec un vendeur.

En pleine pandémie, nous avons assisté à une digitalisation des mondanités, dans laquelle le vendeur doit s’insérer aussi. Comme le résume Sabrina Rouget : « Même augmenté, le vendeur doit revenir à des pratiques commerciales old-school ». Grâce à sa box, Birchbox apporte des capacités médiatiques et de communication pour ses 300 marques partenaires. La présence de produits dans une box implique largement le réachat de la marque, en magasin. En effet, la Birchbox est un média du touché. La marque a réussi le pari de convaincre les consommateurs de payer pour recevoir des échantillons, toujours tournée vers une expérience de qualité. Preuve pour les marques que le virtuel pur n’est pas que source de valeur informationnelle et socialement distancée mais aussi outil de promotion hautement sensoriel, notamment s'il fait écho à une expérience en magasin. 

4.2. L'agilité pour s'adapter à un environnement instable

La crise du Covid-19 a contraint les entreprises à s'adapter de façon importante. Selon Quentin Reygrobellet, ces nouvelles consommations requièrent de réorganiser le travail, d’accepter l’échec, de parfois naviguer à vue et de rester flexible. Chez BirchBox, la démultiplication des commandes a nécessité une implication forte des salariés, rendue possible grâce à l’agilité et la réactivité d’une petite équipe. Le plus grand problème que Bricomarché/Bricorama/Brico Cash a rencontré fut celui de la logistique de préparation des commandes. Face au boom des achats en « click-and-collect », les équipes se sont au-départ retrouvées étouffées. L’entreprise a ainsi pu identifier ses forces principales : un maillage dense de magasins, la proximité avec les consommateurs, l’indépendance des représentants et la polyvalence des salariés. Une refonte des compétences et activités, appliquée en direct s’est alors opérée. De plus, les commerçants ont été confrontés à l’impossibilité de planifier le trafic, les ventes ou les productions à venir compte tenu de l’imprévisibilité du phénomène sanitaire. L’entreprise s’est faite agile et non ancrée dans une vision de long terme. Chez Bricomarché, la réponse de l’enseigne s’est fondée sur le dynamisme micro-local de chaque magasin. Pour Philippe Tavarès la force de l'agilité fut l’aspect humain. Le commerçant indépendant est très impliqué et réactif pour ses clients locaux. L’attachement du commerçant à sa communauté directe a été un atout pour accroître les efforts de chacun et inciter à la coopération dans ce contexte imprévisible. Mac Cosmetics a également inclus ses partenaires pour adapter son offre. Les ambassadeurs de la marque ont lancé des initiatives et des proof-of-concepts innovants dans les services et les produits.

L’enjeu du soin des salariés prendra sans doute une dimension encore plus importante dans la période post-Covid-19, face à un consommateur lui-même anxieux de ses conditions de travail. Durant le confinement, l’état des relations internes fut un levier de coordination et de cohésion majeur pour s’ajuster à un contexte inédit. Chez Mac Cosmetics, un respect mutuel omniprésent a permis de « construire le back-to-work », et imaginer les nouveaux process de vente. Contrairement à d’autres entreprises qui ont largement communiqué des directives en mode top-down (télétravailler telle journée, procéder à tels gestes sanitaires, etc.), Mac Cosmetics a adopté une approche bottom-up en consultant ses salariés deux à trois fois par semaine. Beaucoup de discussions ont également eu lieu sur le chatbot dédié aux salariés de l’entreprise. Cette écoute est devenue le vecteur de renforcement de la cohésion. 

4.3. La convergence des luttes

Les difficultés véhiculées par la fatalité imposée par le Covid-19 semblent avoir fédéré les différentes parties prenantes du système d'offre autour d’un combat commun.

Par exemple, Birchbox est une enseigne dite « bi-faces » car elle rend un service à deux groupes liés l’un à l’autre : d’un côté les acheteurs de la box et de l’autre les marques partenaires. Sans marques, Birchbox ne peut survivre, mais surtout, sans preuve d’une clientèle robuste, elle ne peut s’associer avec les marques. Selon Quentin Reygrobellet, on ne peut grandir sans cohésion avec nos partenaires et, dans un souci de transparence pendant la pandémie, le site a ouvert une plateforme gratuite présentant les données clients (anonymisées bien-sûr) en temps réel, afin que les marques puissent suivre précisément l’évolution de leurs ventes. Il s'est alors agi de donner de l'autonomie et d'élargir le champ de vision de ses partenaires dans une conjoncture instable. 

La convergence des valeurs, la reconnaissance et le partage, le mélange entre décentralisation des responsabilités par-delà une hiérarchie ou des contrats et coopération intense, ont entraîné une bonne réactivité face à la pandémie. Ce phénomène évoque le modèle de l'organisation en forme de « clan » analysée notamment par Boisot (1987). S’il existe effectivement un système de contrats qui délimite les libertés des partenaires et des salariés, l’attachement et la reconnaissance sociale créent la réactivité à l’échelle du magasin, de l’ambassadeur, de la box, dans une véritable famille entrepreneuriale où l'information est moins codifiée que diffusée. Les entreprises peuvent parier sur le fait que la crise du Covid-19 aura révélé une forte attente citoyenne vis-à-vis des entreprises en termes de Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE), qu’il s’agisse de leur mobilisation dans la lutte contre l’épidémie ou des actions menées vis-à-vis des salariés, clients et fournisseurs.

Six hypothèses à tester

Sur la base tant de l'observation des comportements d'achat durant le confinement que de premières explorations et analyses de conjectures d'experts et de grands témoins, six premières hypothèses concernant l'impact possible de la crise du Covid-19 sur le commerce et la distribution ont été formalisées (Badot et Fournel, 2020) :

- H1 : le réenchantement après le désenchantement

Une première hypothèse possible est qu'après le confinement, les acheteurs éprouvent le besoin de restaurer le plaisir hédonique lié à l’expérience d’achat. Il s’agirait notamment d’un retour aux activités sociales, aux sorties conviviales et à des rencontres dont l’absence génère une frustration actuellement. Les restaurants et bistrots, ainsi que les centres commerciaux et hypermarchés connaitraient alors une activité maximale dès que le contexte sanitaire le permettra. On retrouve ici, un cadre analytique propre au courant postmoderne qui, dans la lignée de la pensée de Max Weber, envisage un recours systématique au réenchantement hédonique suite à des phases de désenchantement (politique, économique, social, etc.). Ce réenchantement se manifestant en priorité à travers la consommation de produits gratifiants et la fréquentation de centres commerciaux et autres parcs d'attraction (Ferreira Freitas, 1996 ; Andrieu et al., 2004 ; Lipovestky et Serroy, 2013) ;

- H2 : la rétractation sur les produits de première nécessité et les premiers prix

Une hypothèse contraire est possible : celle de la rétractation des achats sur le strict nécessaire et sur les premiers prix en grande et moyenne surface. En effet, l'éventuelle reprise de l’activité du commerce et de la distribution dépend de plusieurs facteurs : les effets à venir de la crise sanitaire sur le revenu disponible des ménages, les défaillances d’entreprise qui ne sont pas encore toutes connues, l'important chômage à venir, etc. Or les foyers impactés négativement par la crise du Covid-19 correspondent également à la frange de la population habituée à l’hyperconsommation (L'ObSoCo, 2019) ; 

- H3 : la valorisation des circuits courts et des produits « bio »

Une troisième hypothèse tend à valoriser le développement des circuits courts (concept polysémique qui, comme le dit Philippe Goetzmann, convoque des représentations diverses et assez floues chez les consommateurs) et l’augmentation des achats de produits « bio ». Cela devrait dépendre d’une prise de conscience du bénéfice lié à la consommation de ces produits perçus comme plus écologiques et responsables, mais sous réserve d'un consentement à payer souvent plus élevé dans les enquêtes déclaratives que dans les comportements d'achats réels (Badot et al., 2018). L’obligation au confinement a fait émerger une envie de travailler autrement, grâce à l’instauration du télétravail comme pratique courante et la possibilité, de fait, de vivre à la campagne plutôt que dans des grandes urbanisations. En outre, les problèmes d'approvisionnement lors de la crise du Covid-19 a fait prendre conscience de la nécessité de relocalisation des industries en France. La réalisation de cette hypothèse rendrait manifeste un système utopique à très forte latence dans la société française : celui d'une vie plus proche de la nature, fondée sur des valeurs écologiques et recourant à une consommation responsable de produits plus « authentiques » (Badot et Moati, 2020) ;

- H4 : la progression des canaux digitaux et « phygitaux » pour l'alimentaire

Le confinement a mis en exergue des divergences nettes dans la nature des circuits de distribution en fonction du type de produit acheté. Les produits de base et les achats usuels ont été achetés à travers le click-and-collect, le drive, la livraison à domicile, les superettes de proximité et les circuits courts. Les consommateurs pourraient garder cette habitude en période post-Covid-19, ce qui représenterait un véritable effet de cliquet car, avant le confinement, les achats d'épicerie en ligne ou au drive représentaient moins de 7% des ventes de produits de consommation, principalement pour des raisons d'inefficience économique de la supply chain de ce type de produits ;

- H5 : le retour du « burrowing »

Un mouvement de fond présent avant le confinement, motivé par « consommer moins mais mieux », le « Do it Yourself », le recentrage sur la vie de famille et le besoin de nature, pourrait s’accélérer en période post-Covid-19. De nouvelles populations résidant en province pourraient permettre d’entretenir les circuits courts et de réinstaurer une forme de maillage territorial. Ces tendances au repli sur le foyer et sur des activités comme la cuisine, la couture et le bricolage (« burrowing ») avaient déjà été identifiées lors de périodes de crise et analysées, notamment par Faith Popcorn dès les années 1990 (Popcorn, 1992 ; Popcorn et Hanft, 2001). L'analyse des raisons convoquait déjà la sauvegarde du pouvoir d'achat et la réhabilitation de valeurs pré-industrielles comme antidotes à la surconsommation ;

- H6 : le « sans contact » et le « sans effort »

Cette sixième hypothèse repose sur un jeu de mot qui élargit le sens pré-crise sanitaire (associé aux moyens de paiement) à l'acception actuelle plus générale associée aux gestes-barrières. S'il y a de fortes chances qu'une fois le vaccin anti-Covid-19 trouvé les mesures-barrières disparaîtront des lieux publics et commerciaux, il pourrait en être autrement des processus d'achat. En effet, les initiatives offrant une fluidification des parcours d’achat et la minimisation des efforts des acheteurs pourraient largement se développer. Il est notamment question du paiement en ligne et de la disparition des espèces. D'ailleurs, selon l'étude Sum Up déjà mentionnée, 44 % des commerçants interrogés envisagent de n'accepter que des paiements sans contact dans un avenir proche. On assistera sans doute aussi à la propagation de dispositifs automatisés voire, robotisés, facilitant la réservation, la récupération ou la livraison de produits de consommation courante (en parallèle du besoin en circuits courts). C'est ce que prédit le rapport du McKinsey Global Institute (Smit et al., 2020) selon lequel, les secteurs du commerce de gros et de détail seront les plus menacés de tous les secteurs, tant par la crise du Covid-19 que par l'automatisation des tâches. Ce dernier impact étant néanmoins fortement dépendant de la capacité des opérateurs à mettre sur le marché des systèmes d'une grande simplicité et à un faible coût (Clément et Badot, 2019).

Comme dans toute démarche scientifique, ces humbles hypothèses seront, dans les mois qui viennent, testées, éprouvées, discutées et sans doute réfutées et donc reformulées et enrichies. Le travail des chercheurs ne finit jamais, leur chantier est permanent et, à l'instar de leurs pères/pairs fondateurs, ils n'ont aucun dogme et travaillent avec persévérance et doute, toutes choses étant égales par ailleurs.


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